mercredi 30 juin 2021

Interim - requalification d'une série de contrats de mission et prescription



00:22 les règles sur l'interim sont identiques à celles sur le CDD

(playlist sur les CDD)

01:20 traits caractéristiques du contrat de mission

02:02 les cas de recours à l'interim

02:33 interdiction d'avoir recours à l'interim pour l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice 

03:02 la sanction - la requalification

03:50 sanction de la poursuite du travail après la fin de la mission : requalification

04:44 l'arrêt analysé - les faits et l'enjeu en cas de succession de contrats de mission 

05:11 rappel : la prescription biennale 

08:04 la requalification sur toute la série des contrats de mission, sans limite dans le temps

09:43 rappel de salaires pour les périodes interstitielles 


Soc. 30 juin 2021 n° 19-16.655 Bull.

Le délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat de mission à l’égard de l’entreprise utilisatrice en contrat à durée indéterminée fondée sur le motif du recours au contrat de mission énoncé au contrat a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats de mission, le terme du dernier contrat et que le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

Le salarié avait introduit, le 21 novembre 2016, une action en requalification des contrats de mission souscrits à compter du 9 janvier 2012 en un contrat à durée indéterminée en soutenant que la conclusion successive de quatre-vingt-treize contrats de mission avait pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise : cette action n’était pas prescrite et le salarié pouvait demander que la requalification produise ses effets au premier jour de sa mission, soit le 9 janvier 2012.


Article L1251-1 du code du travail

Le recours au travail temporaire a pour objet la mise à disposition temporaire d'un salarié par une entreprise de travail temporaire au bénéfice d'un client utilisateur pour l'exécution d'une mission.

Chaque mission donne lieu à la conclusion :

1° D'un contrat de mise à disposition entre l'entreprise de travail temporaire et le client utilisateur, dit " entreprise utilisatrice " ;

2° D'un contrat de travail, dit " contrat de mission ", entre le salarié temporaire et son employeur, l'entreprise de travail temporaire.

Article L1251-5

Le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

Article L1251-40

Lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10, L. 1251-11, L. 1251-12-1, L. 1251-30 et L. 1251-35-1, et des stipulations des conventions ou des accords de branche conclus en application des articles L. 1251-12 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission. 

Article L1251-39

Lorsque l'entreprise utilisatrice continue de faire travailler un salarié temporaire après la fin de sa mission sans avoir conclu avec lui un contrat de travail ou sans nouveau contrat de mise à disposition, ce salarié est réputé lié à l'entreprise utilisatrice par un contrat de travail à durée indéterminée.


vendredi 25 juin 2021

Le CBD est légal pour la Cour de cassation et la Cour de justice de l'Unione européenne





Cass. crim. 23 juin 2021 n° 20-84.212 Bull.

CJUE, 19 novembre 2020, aff. C-663/18, B.S, C.A (ECLI:EU:C:2020:938)  

le communiqué de presse  

Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE

Article 34 Les restrictions quantitatives à l'importation ainsi que toutes mesures d'effet équivalent, sont interdites entre les États membres. 

Article 36 Les dispositions des articles 34 et 35 ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions d'importation, d'exportation ou de transit, justifiées par des raisons de moralité publique, d'ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, de protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique ou de protection de la propriété industrielle et commerciale. Toutefois, ces interdictions ou restrictions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres.

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jeudi 24 juin 2021

Exécution forcée d'une promesse unilatérale rétractée - Civ.3 23 juin 2021 n° 20-17.554 Bull.




- Time line -

01:00 la Cour de cassation revient sur sa propre doctrine

02:16 un revirement par anticipation / un revirement prospectif

04:39 définition et contenu de la promesse unilatérale

07:06 enjeu du litige : la vente forcée malgré la rétraction de la promesse

07:37 la solution antérieure : le refus de la vente forcée et les dommages-intérêts (Civ.3 1993 infra)

11:14 le lobbying des universitaires : le nouvel article 1124 du code civil

12:39 un revirement par anticipation par lequel la Cour de cassation revient sur sa doctrine comment ça marche ? 

14:44 la solution antérieure : quelle sanction ? des dommages-intérêts !

15:01 la PUV n'est pas qu'une simple offre 

17:56 les ogligations de faire se résolvent par des dommages-intérêts ou par l'exécution forcée

20:55 la nouvelle solution : la vente forcée malgré la rétractation de la promesse

22:44 analyse personnelle critique de ce revirement

34:16 la constitutionnalité du nouvel article 1124 du code civil ?


Arrêt analysé : Civ.3 23 juin 2021 20-17.554 

Arrêt antérieur : Civ.3 15 décembre 1993 n° 91-10.199 B n° 174 

Article 1124 du code civil actuel

Article de D. Mazeaud JCP 1995. II. 22366


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mercredi 16 juin 2021

Le trésor et son inventeur en droit civil




Article 716 du code civil 

La propriété d'un trésor appartient à celui qui le trouve dans son propre fonds ; si le trésor est trouvé dans le fonds d'autrui, il appartient pour moitié à celui qui l'a découvert, et pour l'autre moitié au propriétaire du fonds.

Le trésor est toute chose cachée ou enfouie sur laquelle personne ne peut justifier sa propriété, et qui est découverte par le pur effet du hasard.


Arrêt analysé : Civ.1 16 juin 2021 n°19-21.567 Bull.


Recherche de jurisprudence : 

https://ia-droit.fr/?q=%22716+du+code+civil%22%7E10+tr%C3%A9sor 

"716 du code civil"~10 trésor


Civ.1 6 juin 2018 n° 17-16.091 Bull.

Mais attendu que celui qui découvre, par le pur effet du hasard, une chose cachée ou enfouie a nécessairement conscience, au moment de la découverte, qu'il n'est pas le propriétaire de cette chose, et ne peut être considéré comme un possesseur de bonne foi ; que, par suite, il ne saurait se prévaloir des dispositions de l'article 2276 du code civil pour faire échec à l'action en revendication d'une chose ainsi découverte, dont il prétend qu'elle constitue un trésor au sens de l'article 716, alinéa 2, du même code ; que, conformément à l'article 2227 de ce code, une telle action n'est pas susceptible de prescription ; que, dès lors, après avoir relevé que M. et Mme Y... avaient découvert par le pur effet du hasard les lingots litigieux, enfouis dans le sol du jardin de leur propriété, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que les dispositions de l'article 2276 précité ne pouvaient recevoir application, de sorte que, d'une part, l'action en revendication exercée par les consorts A... n'était pas prescrite et que, d'autre part, ces derniers pouvaient librement rapporter la preuve qu'ils étaient propriétaires des biens trouvés ;


Civ.1 5 juillet 2017 n° 16-19.340 Bull. 

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 4 avril 2016), qu'en janvier 1985, M. X..., brocanteur, a fait l'acquisition d'un tableau peint sur bois, qu'il a présenté à M. Y..., antiquaire, puis, sur les conseils de ce dernier, confié à M. Z..., restaurateur d'art, afin qu'il procède à son nettoyage ; que ce travail a révélé que, sous la peinture apparente, se trouvait une oeuvre datant du quinzième siècle attribuée, après plusieurs années de recherches et de restauration, au peintre Jean Malouel ; que, par acte du 4 novembre 2011, le Musée du Louvre en a fait l'acquisition moyennant un prix de 7, 8 millions d'euros ; que, soutenant que l'oeuvre mise à jour constituait un trésor, au sens de l'article 716 du code civil, et revendiquant la qualité d'inventeur, M. Y... a assigné M. X... pour obtenir sa condamnation à lui verser la moitié du produit net de la vente ; 

Mais attendu qu'aux termes de l'article 716, alinéa 2, du code civil, le trésor est toute chose cachée ou enfouie sur laquelle personne ne peut justifier sa propriété, et qui est découverte par le pur effet du hasard ; que seules peuvent recevoir cette qualification les choses corporelles matériellement dissociables du fonds dans lequel elles ont été trouvées et, comme telles, susceptibles d'appropriation ; que l'arrêt relève que M. X... a acquis la propriété du tableau peint sur bois litigieux et que l'oeuvre attribuée à Jean Malouel était dissimulée sous la peinture visible ; qu'il en résulte que cette oeuvre est indissociable de son support matériel, dont la propriété au profit de M. X... est établie, de sorte qu'elle ne constitue pas un trésor au sens du texte précité ; que, par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée ;



Crim. 20 novembre 1990 n° 89-80.529 B n° 395 

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 716 du Code civil, 379 et 381 du Code pénal, ensemble méconnaissance des exigences de l'article 593 du Code de procédure pénale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la société Urano ; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à l'occasion de travaux de terrassement effectués pour le compte de la commune de Charleville-Mézières, des ouvriers de l'entreprise Urano ont découvert, enfouies dans le sol, des pièces d'or et d'argent et les ont appréhendées ;

Qu'une information ayant alors été ouverte contre eux du chef de vol, la société Urano, estimant qu'en sa qualité de commettant elle était l'inventeur du trésor, et, comme tel, propriétaire pour moitié, s'est constituée partie civile ; que, par l'ordonnance entreprise, le juge d'instruction, considérant, au contraire, que les seuls inventeurs du trésor étaient les inculpés, a renvoyés ceux-ci devant le tribunal correctionnel pour vol de la moitié du trésor " au préjudice de la commune de Charleville-Mézières " ;

Attendu que, pour confirmer cette ordonnance, la chambre d'accusation, après avoir relevé que les travaux " étaient étrangers à la recherche d'un trésor ", énonce que la partie civile, personne morale, ne pouvait avoir, en l'espèce, la qualité d'inventeur ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, l'arrêt attaqué ne saurait encourir les griefs du moyen ; qu'en effet, l'inventeur d'un trésor s'entend de celui qui, par le seul effet du hasard, met le trésor à découvert, serait-il au service d'une entreprise, dès lors que les travaux ayant conduit à la découverte n'ont pas été effectués à cette fin ;



Crim. 21 mars 1978 n° 77-93.108 B n° 113 

SUR LES DEUX MOYENS DE CASSATION REUNIS, ET PRIS :

LE PREMIER :

DE LA VIOLATION DES ARTICLES 379 DU CODE PENAL, 716, 1604, 1605 ET 1606 DU CODE CIVIL, 1984 ET SUIVANTS, 1134 ET 2279 DU MEME CODE, 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DEFAUT ET CONTRADICTION DE MOTIFS, MANQUE DE BASE LEGALE, " EN CE QUE L'ARRET CONFIRMATIF ATTAQUE A DECLARE LE PREVENU COUPABLE DE VOL ;

" AUX MOTIFS QUE PLUSIEURS MOIS APRES AVOIR ACHETE LA VILLA, LE PREVENU A FAIT DEBLAYER COMPLETEMENT LA CAVE PAR SES OUVRIERS, QUE L'UN D'ENTRE EUX Y A DECOUVERT UNE CAISSETTE CONTENANT DIX LINGOTS D'OR, QU'IL S'EST APPROPRIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 716 DU CODE CIVIL, MAIS QUE CET ARTICLE IMPOSE TROIS CONDITIONS POUR QUE LA QUALIFICATION DE TRESOR PUISSE ETRE RETENUE, QUE SI LA PREMIERE EST REMPLIE EN L'ESPECE PUISQUE LES LINGOTS ETAIENT CACHES, LA DEUXIEME NE L'EST PAS, LES HERITIERS DU PRECEDENT PROPRIETAIRE DE LA VILLA PEUVENT ETRE CONSIDERES COMME ETANT LES VERITABLES PROPRIETAIRES DES LINGOTS EN RAISON DE PRESOMPTIONS GRAVES, PRECISES ET CONCORDANTES QUI RESULTENT DE CE QUE LE PAVILLON A ETE VENDU LES MURS NUS ET NON AVEC CE QUI SE TROUVAIT DEDANS, QUE LES MEUBLES ONT FAIT L'OBJET D'UN INVENTAIRE CLOTURE APRES LA VENTE ET QUI CONSTITUE UN ACTE DE POSSESSION SUR TOUT CE QUI SE TROUVAIT DANS LA MAISON, QU'EN FAISANT DEBLAYER LA CAVE PAR LES CHIFFONNIERS D'EMMAUS, PUIS EN DONNANT MANDAT A L'ACQUEREUR DE LA VIDER COMPLETEMENT, LES VENDEURS DE LA VILLA SE SONT COMPORTES COMME LES VERITABLES PROPRIETAIRES ET POSSESSEURS DE CE QUI S'Y TROUVAIT ;

QU'EN OUTRE LE MANDATAIRE DES PARTIES CIVILES A DECLARE QUE SON ONCLE LUI AURAIT REVELE QU'IL AVAIT CACHE DE L'OR DANS LA CAVE ET QU'IL EN A AVERTI LE PREVENU LORS DE LA SIGNATURE DE L'ACTE, QUE LA DATE DE FABRICATION DES LINGOTS CORRESPOND A L'EPOQUE A LAQUELLE L'AUTEUR DES PARTIES CIVILES ETAIT PROPRIETAIRE DE LA VILLA, QU'IL N'EST PAS POSSIBLE D'ADMETTRE QUE LES LINGOTS AIENT PU ETRE MIS DANS LA CAVE PAR UNE AUTRE PERSONNE QUE CE DERNIER ET QU'ENFIN LE PREVENU A LUI-MEME RECONNU QUE LES PARTIES CIVILES ETAIENT LES VERITABLES PROPRIETAIRES DES LINGOTS EN ALLANT RENDRE VISITE A LEUR MANDATAIRE APRES LA DECOUVERTE ;

QU'EN CE QUI CONCERNE LA TROISIEME CONDITION POSEE PAR L'ARTICLE 716 POUR CONFERER LA QUALITE DE TRESOR A UN OBJET MOBILIER, IL FAUT QUE CELUI-CI AIT ETE TROUVE PAR PUR EFFET DU HASARD, QUE TEL N'EST PAS LE CAS EN L'ESPECE PUISQUE LE PREVENU AVAIT ETE AVERTI DE LA POSSIBILITE QU'IL TROUVE DE L'OR DANS LA CAVE, QUE L'ARTICLE 716 EST DONC INAPPLICABLE ;

" ALORS QUE, D'UNE PART, PUISQUE L'ARTICLE 2279 DU CODE CIVIL DISPOSE QU'" EN FAIT DE MEUBLES, POSSESSION VAUT TITRE " ET QUE, PAR AILLEURS, LES ARTICLES 1605 ET 1606 DUDIT CODE PREVOIENT QUE LA DELIVRANCE D'UN IMMEUBLE ET DES MEUBLES QU'IL CONTIENT RESULTE DE LA REMISE DES CLEFS DE L'IMMEUBLE VENDU ET PUISQUE LA COUR A CONSTATE QUE LES LINGOTS AVAIENT ETE TROUVES PAR L'ACQUEREUR APRES LA PRISE DE POSSESSION DE L'IMMEUBLE DANS UNE CAVE OU LES PRECEDENTS PROPRIETAIRES AVAIENT LAISSE DIFFERENTS OBJETS, LES JUGES ONT MECONNU LES ARTICLES SUSVISES EN DECLARANT QUE LES PRECEDENTS PROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE DEVAIENT ETRE CONSIDERES COMME LES LEGITIMES PROPRIETAIRES DES LINGOTS ;

" ALORS QUE D'AUTRE PART LES PRETENDUS ACTES DE POSSESSION INVOQUES PAR LA COUR SONT DENUES DE TOUTE VALEUR ET PERTINENCE, QU'EN EFFET SI L'INVENTAIRE DE LA SUCCESSION DU PRECEDENT PROPRIETAIRE A ETE CLOS APRES LA VENTE, LA COUR CONSTATE ELLE-MEME QUE LES OBJETS SE TROUVANT DANS L'IMMEUBLE AVAIENT ETE INVENTORIES AVANT LA VENTE EN SORTE QUE LES JUGES DU FOND SE SONT CONTREDITS EUX-MEMES POUR EN DEDUIRE LA PREUVE D'UNE POSSESSION PAR LES VENDEURS DES MEUBLES LAISSES DANS LE BATIMENT APRES LA VENTE ET LA PRISE DE POSSESSION, QUE DE MEME LE FAIT QUE LES VENDEURS AIENT, AVANT LA VENTE, FAIT DEBLAYER PARTIELLEMENT LA CAVE PAR DES CHIFFONNIERS, NE DEMONTRE EN RIEN QU'APRES LE PASSAGE DES CHIFFONNIERS, LA VENTE DE L'IMMEUBLE ET LA REMISE DES CLEFS, ILS AIENT PU GARDER LA POSSESSION DES OBJETS LAISSES A L'INTERIEUR DE L'IMMEUBLE ET QU'ENFIN LES PARTIES CIVILES N'AYANT JAMAIS PRETENDU AU COURS DE L'INFORMATION QU'ELLES AVAIENT DONNE UN QUELCONQUE MANDAT A L'ACQUEREUR DE L'IMMEUBLE POUR QU'IL DEBARRASSE LA CAVE DES OBJETS QUI S'Y TROUVAIENT ET AUCUN DES ELEMENTS DE L'INFORMATION OU DE L'ENQUETE N'AYANT JAMAIS ETABLI L'EXISTENCE D'UN TEL MANDAT, LA COUR A PROCEDE SUR CE POINT PAR PURE AFFIRMATION ;

" ALORS QU'EN OUTRE LE FAIT QUE LE MANDATAIRE DES PRECEDENTS PROPRIETAIRES AIT PU AVERTIR L'ACQUEREUR DE L'IMMEUBLE DE LA POSSIBILITE QU'IL AVAIT D'Y TROUVER LES LINGOTS D'OR N'IMPLIQUE NULLEMENT QUE CES PRECEDENTS PROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE AIENT PU CONSERVER LA POSSESSION DES OBJETS QU'ILS Y AVAIENT LAISSES APRES LA PRISE DE POSSESSION DE L'IMMEUBLE PAR L'ACQUEREUR, ALORS QUE CETTE PRISE DE POSSESSION CONFERAIT AU NOUVEAU PROPRIETAIRE LA PROPRIETE DES OBJETS ABANDONNES DANS L'IMMEUBLE ;

" QUE DE PLUS, LES JUGES DU FOND ONT FORMULE UNE PURE HYPOTHESE EN PRETENDANT QUE LA PRESENCE DES LINGOTS DANS LA CAVE DE L'IMMEUBLE VENDU ET LEUR DATE DE FABRICATION POUVAIENT IMPLIQUER QUE LESDITS LINGOTS ONT APPARTENU AU PRECEDENT PROPRIETAIRE DE L'IMMEUBLE ET QUE SES HERITIERS EN ETAIENT DONC LES VERITABLES PROPRIETAIRES ;

QU'EN EFFET, MEME EN ADMETTANT QUE CES CIRCONSTANCES AIENT PU DEMONTRER QUE LES LINGOTS AVAIENT ETE DEPOSES DANS LA CAVE PAR LE PRECEDENT PROPRIETAIRE DE L'IMMEUBLE, IL EST NEANMOINS IMPOSSIBLE DE SAVOIR SI CE DERNIER A BIEN AGI EN TANT QUE PROPRIETAIRE DES LINGOTS OU BIEN S'IL EN ETAIT SEULEMENT LE DEPOSITAIRE ;

" ET QU'ENFIN LES JUGES DU FOND N'AYANT PAS CONTESTE QUE LES LINGOTS AVAIENT ETE TROUVES SANS AVOIR ETE CHERCHES MAIS AU COURS DE TRAVAUX QUE LE PROPRIETAIRE FAISAIT EFFECTUER SUR L'IMMEUBLE, ILS NE POUVAIENT, SANS VIOLER L'ARTICLE 716 PRECITE, REFUSER D'ADMETTRE QUE LESDITS LINGOTS AVAIENT ETE TROUVES PAR HASARD " ;

LE SECOND :

DE LA VIOLATION DES ARTICLES 379 DU CODE PENAL, 1315 DU CODE CIVIL ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, RENVERSEMENT DE LA CHARGE DE LA PREUVE, DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE, " EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A DECLARE LE PREVENU COUPABLE DE VOL AU PREJUDICE DES PARTIES CIVILES ;

" AUX MOTIFS QUE LE PREVENU QUI S'EST APPROPRIE LES LINGOTS QU'IL A TROUVES DANS SA CAVE FAIT PLAIDER SA BONNE FOI EN FAISANT VALOIR QU'IL AVAIT CRU QUE LES LINGOTS LITIGIEUX ETAIENT SA PROPRIETE, MAIS QUE LE NOTAIRE QU'IL PRETEND AVOIR INTERROGE SUR CE POINT APRES LA DECOUVERTE S'EST RETRANCHE DERRIERE LE SECRET PROFESSIONNEL ALORS QUE LA CONSULTATION DONNEE PAR L'AVOCAT DU PREVENU EST POSTERIEURE A LA DENONCIATION DONT CE DERNIER A ETE L'OBJET ;

QU'EN OUTRE, SI LE PREVENU AVAIT DEMONTRE QUE LES LINGOTS N'AVAIENT PAS DE VERITABLE PROPRIETAIRE IL AURAIT, GRACE A LA CONSULTATION DE SON AVOCAT, GAGNE SA CAUSE, QUE LE PREVENU A VENDU DEUX LINGOTS AVANT D'AVOIR CONSULTE SON AVOCAT, CE QUI SUFFIT A CARACTERISER LE VOL ;

QU'IL A FALLU QU'IL SOIT DENONCE A LA POLICE POUR PREVENIR L'UN DES HERITIERS DE SA DECOUVERTE ET QU'IL A PLACE LES LINGOTS NON DANS SON COFFRE PERSONNEL MAIS DANS CELUI DE SES PARENTS, QU'EN REALITE IL A USE DE STRATAGEMES, DE FAUX-FUYANT, DE SUBTERFUGES ET DE MENSONGES POUR S'APPROPRIER FRAUDULEUSEMENT DES LINGOTS D'OR ;

" ALORS QUE LA PREUVE DE L'INTENTION COUPABLE NE SE PRESUME PAS MAIS INCOMBE A L'ACCUSATION, QUE LE PROPRIETAIRE D'UN IMMEUBLE QUI Y TROUVE DES LINGOTS D'OR PEUT LEGITIMEMENT SE L'APPROPRIER PUISQU'AUX TERMES DE L'ARTICLE 716 DU CODE CIVIL, LA CHOSE QU'IL A DECOUVERTE PAR HASARD SUR SON PROPRE FONDS LUI APPARTIENT SI ELLE N'A PAS DE VERITABLE PROPRIETAIRE ;

QUE PAR AILLEURS CE N'EST PAS A L'INVENTEUR DE RAPPORTER LA PREUVE QUE LE TRESOR EST SANS VERITABLE PROPRIETAIRE MAIS A CELUI QUI REVENDIQUE LA PROPRIETE DE RAPPORTER LA PREUVE DE SON DROIT DE PROPRIETE SUR LA CHOSE, QUE DES LORS LE DEMANDEUR POUVAIT DE BONNE FOI S'APPROPRIER LE TRESOR SANS S'ETRE ASSURE AU PREALABLE QU'IL N'AVAIT PAS DE VERITABLE PROPRIETAIRE, SA MAUVAISE FOI NE POUVANT ETRE DEDUITE DE SON DESIR DE CACHER SA DECOUVERTE " ;

ATTENDU QU'IL RESULTE DE L'ARRET ATTAQUE QU'AU COURS D'UN NETTOYAGE EFFECTUE DANS UNE CAVE DEPENDANT D'UNE MAISON D'HABITATION ACQUISE HUIT MOIS AUPARAVANT PAR X..., UN EMPLOYE DE CELUI-CI A DECOUVERT, " ENVELOPPEE DANS UN PAPIER ET FICELEE, POSEE A MEME LE SOL ET PLACEE SOUS UNE ETAGERE ", UNE CAISSETTE EN METAL CONTENANT DIX LINGOTS D'OR D'UN KILOGRAMME CHACUN ;

QUE X..., SE CONSIDERANT COMME LE PROPRIETAIRE EXCLUSIF DESDITS LINGOTS, EN A DISPOSE A SON GRE ET A REFUSE DE LES RESTITUER A LA SUCCESSION DE Y..., ANCIEN PROPRIETAIRE ET DERNIER OCCUPANT DE L'IMMEUBLE ;

QUE X... A ETE INCULPE DE VOL SUR PLAINTE AVEC CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE DES CONSORTS Z..., HERITIERS DE Y... ET VENDEURS DUDIT IMMEUBLE ;

ATTENDU QUE POUR DECLARER X... COUPABLE DE CE DELIT ET LE CONDAMNER DE CE CHEF A TROIS MOIS D'EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS, 5. 000 FRANCS D'AMENDE, AINSI QU'A DES REPARATIONS CIVILES, TOUT EN LE DEBOUTANT DE SA DEMANDE RECONVENTIONNELLE EN DOMMAGES-INTERETS, LES JUGES D'APPEL, APRES AVOIR EXAMINE LES CIRCONSTANCES DANS LESQUELLES CETTE CAISSETTE AVAIT ETE MISE A JOUR ET ENUMERE LES PRESOMPTIONS EXISTANT EN FAVEUR DE Y... QUANT A LA PROPRIETE DES OBJETS TROUVES, EN CONCLUENT QUE LEUR DECOUVERTE N'ETAIT PAS DUE A " UN PUR EFFET DU HASARD ", ET QU'ILS NE CONSTITUAIENT PAS UN TRESOR AU SENS DE L'ARTICLE 716 DU CODE CIVIL ;

QU'ILS MENTIONNENT D'AUTRE PART QUE L'ACTE DE VENTE PASSE AVEC LES HERITIERS NE CONCERNAIT QUE L'IMMEUBLE ET QUE L'INVENTAIRE DES OBJETS MOBILIERS CONTENUS DANS L'HABITATION AVAIT DONNE LIEU A L'ETABLISSEMENT D'UN PROCES-VERBAL QUI N'ETAIT PAS DEFINITIVEMENT CLOS AU MOMENT DE LA DECOUVERTE DES LINGOTS ;

QU'ENFIN, LES JUGES D'APPEL, POUR RETENIR LA MAUVAISE FOI DE X..., RELEVENT QUE CELUI-CI, SOLLICITE PAR LES HERITIERS APRES SON ENTREE EN POSSESSION DES LIEUX " DE VIDER COMPLETEMENT LA CAVE " APRES AVOIR ETE AVERTI PAR L'UN D'EUX AU MOMENT DE LA SIGNATURE DE L'ACTE DE VENTE QUE DES LINGOTS D'OR QU'ILS AVAIENT VAINEMENT RECHERCHES POUVAIENT SE TROUVER DANS CE LOCAL, LES AVAIT CEPENDANT CONSERVES APRES LES AVOIR APPREHENDES DANS LES CONDITIONS PRECITEES, PUIS S'ETAIT EMPRESSE D'EN VENDRE DEUX ET AVAIT PLACE LES HUIT AUTRES, NON PAS DANS SON PROPRE COFFRE BANCAIRE MAIS DANS CELUI DE SES PARENTS ;

ATTENDU QUE PAR CES ENONCIATIONS ET CONSTATATIONS DEDUITES SOUVERAINEMENT DES ELEMENTS DE PREUVE SOUMIS AUX DEBATS CONTRADICTOIRES ET QUI, ABSTRACTION FAITE DE TOUS MOTIFS SURABONDANTS, CARACTERISENT A LA CHARGE DU PREVENU LA SOUSTRACTION FRAUDULEUSE D'OBJETS MOBILIERS APPARTENANT A AUTRUI, LA COUR D'APPEL A JUSTIFIE SA DECISION ;


Crim. 24 novembre 1976 n° 76-90.415 B n° 342 

ATTENDU QU'IL APPERT DE L'ARRET ATTAQUE ET DU JUGEMENT DONT IL ADOPTE LES MOTIFS NON CONTRAIRES QU'EN AOUT 1970, PLUSIEURS CENTAINES DE PIECES D'OR ET D'ARGENT, ENFOUIES DANS LA CAVE D'UN IMMEUBLE, ONT ETE DECOUVERTES PAR DEUX PREPOSES D'UNE ENTREPRISE DE NETTOIEMENT QUI ONT ETE DEFINITIVEMENT CONDAMNES POUR VOL ;

QUE SAISIS DES CONSTITUTIONS DE PARTIES CIVILES DES CONSORTS X..., PROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE ET DES CONSORTS C...-D..., LEGATAIRES UNIVERSELS DE L'ANCIENNE LOCATAIRE LA DEMOISELLE A..., DECEDEE EN 1969, LES JUGES DU FOND, POUR FAIRE DROIT A LA DEMANDE DE RESTITUTION DES SECONDS ET DEBOUTER, EN CONSEQUENCE, LES PREMIERS DE LEUR ACTION, ONT RELEVE, D'UNE PART, QUE LA FAMILLE DE LA DEFUNTE AVAIT HABITE SANS INTERRUPTION L'IMMEUBLE DONT S'AGIT DEPUIS AU MOINS 1888 ET, D'AUTRE PART, QUE D'APRES LES DONNEES D'UN RAPPORT D'EXPERTISE AYANT POUR OBJET DE DETERMINER LEUR MILLESIME ET LEUR VALEUR, LA PLUPART DES PIECES SAISIES ETAIENT POSTERIEURES A CETTE ANNEE ;

QU'ILS EN ONT DEDUIT QUE LESDITES PIECES NE CONSTITUAIENT PAS UN TRESOR, AU SENS DE L'ARTICLE 716 DU CODE CIVIL, COMME LE SOUTENAIENT LES DEMANDEURS AU POURVOI, MAIS QU'ELLES AVAIENT APPARTENU, EN REALITE, A LA DEMOISELLE A..., LAQUELLE AVAIT D'AILLEURS FAIT ALLUSION, DANS SON TESTAMENT, A DES MONNAIES D'OR ET D'ARGENT QU'ELLE POSSEDAIT ;

QU'ELLES ETAIENT PAR SUITE ENTREES DANS LE PATRIMOINE DE SES HERITIERS ; ATTENDU QU'EN CET ETAT ET ALORS QUE LA PREUVE DE LA PROPRIETE DES PIECES LITIGIEUSES POUVAIT ETRE RAPPORTEE PAR TOUS MOYENS Y COMPRIS PAR PRESOMPTIONS, LA COUR D'APPEL, ABSTRACTION FAITE DE TOUS AUTRES MOTIFS, A JUSTIFIE SA DECISION ;

QUE, DES LORS, C'EST VAINEMENT QU'IL EST ALLEGUE PAR LES CONSORTS X... QU'UNE ERREUR MATERIELLE SE SERAIT PRODUITE LORS DE LA REDACTION DU RAPPORT D'EXPERTISE ;








vendredi 11 juin 2021

La prescription du harcèlement et de la discrimination



Arrêt sur le harcèlement moral Soc. 9 juin 2021 n° 19-21.931 Bull.

Arrêt sur la discrimination Soc. 31 mars 2021 n° 19-22.557 Bull.

Les prescriptions en droit du travail : art. L. 1471-1

Le droit commun : art. 2224 du code civil

La prescription particulière de la discrimination : article L. 1134-5 du CDT


*   *   *

ANALYSE

M. le Président Sargos « en droit de la prescription la question capitale est moins la durée de celle-ci que son point de départ » (cf. Semaine sociale Lamy, 23 mars 2006, n° 1208 – propos repris au Rapport annuel 2008 p.114).

En droit pénal, il est ainsi jugé qu’en cas d’infraction complexe, d’infraction continue ou d’infraction continuée, la prescription ne court qu’à compter du dernier acte qui la constitue. 

En droit civil, il est également jugé « qu'à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance » (Civ.1 11 février 2016, nº 14-28383, Bull. – Com. 18 mai 2017, nº 15-22235 – jurisprudence constante). 

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, en droit du travail, lorsque le salarié sollicite le rappel d’un élément de sa rémunération sur une période excédant désormais trois années, sa demande n’est pas irrecevable dans son intégralité, elle l’est seulement pour la période qui remonte au-delà des trois dernières années, mais il est parfaitement recevable à solliciter le rappel de rémunération  pour la période non prescrite. 

Il en va de même en matière de discrimination qui s’apparente – notamment pour la discrimination dans le déroulement de carrière – à une infraction continue. 

Si les faits constitutifs d’une discrimination sont révélés au salarié à un moment donné mais que cette discrimination perdure jusqu’à la fin de la relation de travail, le salarié n’est pas irrecevable à faire reconnaître la discrimination dans l’intégralité de sa demande, il l’est seulement pour une partie de la période passée qui est prescrite, non pour la période non prescrite.

La règle de l’article L 1134-5 du code du travail n’a vocation à s’appliquer et entraîner l’irrecevabilité pour cause de prescription de la demande du salarié que si les faits de discrimination portés à la connaissance du salarié ont cessé depuis.

Pour le formuler autrement, au mieux l’article L 1134-5 du code du travail interdirait au salarié de se prévaloir des faits antérieurs, mais le salarié peut toujours faire reconnaître la discrimination dont il a continué d’être victime jusqu’à la fin de la relation de travail. 

Par conséquent, pour déclarer irrecevable comme prescrite au regard de l’article L 1134-5 du code du travail la demande tendant à la reconnaissance d’une discrimination, le juge doit s’assurer que cette discrimination a cessé après le moment où elle a été portée à la connaissance du salarié.

En revanche, si le salarié soutient que les faits constitutifs de discrimination se sont poursuivis, le juge ne peut tirer prétexte de la prescription des faits antérieurs pour refuser d’examiner les faits postérieurs non prescrits. 


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“CONNAISSANCE” ou “RÉVÉLATION”

Les dispositions législatives du code civil et celles du code du travail en matière de prescription sont sensiblement les mêmes, à une différence près toutefois qui est cruciale. 

Selon l'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».

Selon le premier alinéa de l’article L 1134-5 du code du travail, « l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination »

Alors que le code civil se contente d’une « connaissance » des faits, le code du travail exige une « révélation » des faits de discrimination.

Car, celle-ci est par nature opaque, dissimulée. 

Il reste à déterminer ce que recouvre la « révélation de la discrimination » et si cette révélation est équipollente à une simple information du salarié. 

Le Rapport Blessig a bien résumé ces difficultés : 

« Un salarié peut avoir connaissance de quelques éléments semblant indiquer qu'il est victime d'une discrimination. À quel moment saura-t-il qu'il dispose d'éléments suffisamment probants pour intenter une action en justice ? Dans ce cas, ne risque-t-il pas d'attendre - involontairement - pendant un délai qui pourra être supérieur à cinq ans depuis le moment où “il a connu ou aurait dû connaître” les faits prouvant la discrimination ? (...)

« La “révélation” n'est pas la simple connaissance de la discrimination par le salarié ; elle correspond au moment où il dispose des éléments de comparaison mettant en évidence la discrimination. Tant que le salarié ne dispose pas d'éléments probants, la discrimination ne peut pas être considérée comme révélée et, donc, le délai de prescription de l'action du salarié ne peut pas courir » (p.19 et p.21).

Et, dans son arrêt du 22 mars 2007 relatif à l’unicité d’instance, la Cour de cassation avait retenu que « le préjudice lié à une discrimination syndicale n'avait été exactement connu des salariées qu'à la suite de la communication par l'employeur des éléments de comparaison nécessaires » (Soc. 22 mars 2007, nº 05-45163). 



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La réparation du préjudice

Soc. 25 septembre 2019 n° 18-14.975 

Mais attendu qu'ayant constaté que la révélation de la discrimination datait de fin mars 2009 alors que la salariée avait saisi la juridiction prud'homale le 16 juillet 2012, la cour d'appel, faisant une exacte application de l'article L. 1134-5 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, en a déduit à bon droit que la salariée était recevable pour demander la réparation du préjudice subi sur toute la durée de la discrimination ; que le moyen n'est pas fondé ;

Soc. 25 mai 2018 n° 16-22.137 

Vu l'article L. 1134-5 du code du travail ;

Attendu que pour limiter à certaines sommes le montant de la condamnation de l'employeur à titre de dommages-intérêts en raison de la discrimination subie et au titre de la perte de chance d'avoir pu investir les sommes dues au titre de la Rémunération de la performance contractualisée des cadres (RPCC) et pour débouter le salarié de diverses demandes, l'arrêt retient qu'il y a lieu d'écarter les demandes de nature salariale antérieures au 26 février 2008, soit cinq ans avant la saisine de la juridiction prud'homale puisque le salarié n'a pas apporté la preuve d'une discrimination tout au long de sa carrière et ne peut sérieusement prétendre n'avoir pas eu avant février 2013 tous les éléments nécessaires pour apprécier son préjudice ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'en application de l'article L. 1134-5 du code du travail, les dommages-intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination pendant toute sa durée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;





jeudi 3 juin 2021

Objet du litige et égalité des armes devant la juridiction de sécurité sociale




L'arrêt analysé : Civ.2 3 juin 2021 n° 20-13.275 

6. Il résulte des dispositions des articles 4 du code de procédure civile et R. 142-1 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2012-1032 du 7 septembre 2012, applicable au litige, que le juge du contentieux de la sécurité sociale est juge du litige qui lui est soumis par les parties, dont l’objet est déterminé par les demandes respectives de celles-ci.

7. L’arrêt retient, après avoir rappelé que la cour d’appel était saisie d’un recours contre la décision du 3 septembre 2013 de liquidation de la pension d’invalidité de l’assuré, ainsi que d’une demande de paiement du solde dû, que l’assuré est fondé à obtenir une pension d’invalidité de deuxième catégorie de 15 834,62 euros à compter du 8 novembre 2013, et fait droit à la demande de celui-ci de paiement de la somme de 32 447,10 euros à titre de complément de pension d’invalidité pour la période échue à compter du 8 novembre 2013 jusqu’en août 2019 inclus.

8. De ces constatations, la cour d’appel, qui était régulièrement saisie d’un litige portant sur le calcul de la pension d’invalidité de l’assuré, et d’une demande de paiement du solde dû a, à bon droit, statué sur ces demandes, la décision modificative de la caisse intervenue en cours d’instance étant sans incidence sur l’objet du litige.


Le principe d'égalité des armes : « l’égalité des armes implique l’obligation d’offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire » (CEDH 16 juillet 1968, Struppat c/RFA, req. n° 2804/66 – CEDH 23 juin 1993, Ruiz Matéos c/Espagne, req. n° 12952/87, Série A, n° 262 – CEDH 27 octobre 1993, Dombo Beheer c/Pays-Bas, req. n° 14448/88 Série A, n° 274 – CEDH 22 septembre 1994, Hentrich c/France, req. n° 13616/88 – CEDH 23 octobre 1996, Ankerl c/Suisse, req. N° 17748/91).

Par ex. par application de ce principe, le cotisant qui conteste le redressement qui lui a été signifié, se retrouverait dans une situation de net désavantage par rapport à l'organisme social si celui-ci peut, en cours d’instance, modifier ce redressement. 

mercredi 2 juin 2021

Le non respect du contradictoire dans le cadre d’une procédure orale


Pendant longtemps, il avait été jugé « qu’en matière de procédure orale sans représentation obligatoire, les moyens soulevés d'office par le juge sont présumés, sauf preuve contraire, avoir été débattus contradictoirement à l'audience » (Civ.1 14 février 2018 n° 16-27.909 Bull. Soc. 1 février 2017 n° 15-24.310 Bull. Soc. 9 novembre 2011, n° 11-60.032 Bull.).


Mais la Deuxième chambre civile a justement atténué ce principe pour y apporter le corollaire suivant : « dans les procédures orales, si les moyens soulevés d'office sont présumés, sauf preuve contraire, avoir été débattus contradictoirement à l'audience, cette preuve peut résulter de ce que la décision constate que les parties ont développé à l'audience leurs observations écrites lorsque celles-ci ne font pas état de tels moyens » (not. Civ.2 24 septembre 2020 n° 19-17.948 Civ.2 20 mai 2020 n° 19-10.356 Civ.2 23 janvier 2020 n° 18-21.692 Civ.2 19 décembre 2019 n° 18-25.318 Civ.2 28 novembre 2019 n° 18-22.609 Civ.2 19 septembre 2019 n° 18-15.487 Civ.2 6 décembre 2018 n° 17-27.910).


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Civ.2 24 septembre 2020 n° 19-17.948

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

5. Selon ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, observer lui-même le principe de la contradiction. Si, dans les procédures orales, les moyens soulevés d'office sont présumés, sauf preuve contraire, avoir été débattus contradictoirement à l'audience, cette preuve peut résulter de ce que la décision constate que les parties ont développé à l'audience leurs observations écrites lorsque celles-ci ne font pas état de tels moyens.

6. Pour dire bien fondée l'opposition et annuler la contrainte litigieuse, le jugement énonce qu'il incombe au demandeur d'emploi de remplir certaines obligations, référencées par le code du travail, aux fins de ne pas être radié, que non seulement, l'intéressé est tenu de participer à la mise en place de son projet personnalité mais surtout, il doit accomplir des actes de recherche d'emploi et accepter des offres jugées raisonnables qui pourraient lui être faites, de sorte qu'il était impossible pour M. W... de se voir attribuer, entre le 31 mars 2010 et le 31 mars 2017, le statut d'exploitant agricole à titre exclusif. Il retient que conformément aux articles L. 351-3 et R. 351-12 du code de la sécurité sociale, les périodes de chômage involontaire non indemnisées peuvent être assimilées à des trimestres d'assurance retraite, que dès lors, toute période de chômage involontaire non indemnisée qui suit directement une période de chômage indemnisée est prise en compte dans la limite d'un an et peut être élevée à cinq ans, sous certaines conditions et qu'il n'est donc pas possible d'affirmer que M. W... exerçait à titre exclusif une activité agricole en 2016. Il ajoute qu'il résulte du détail de la mise en demeure du 27 octobre 2017, préalable à la contrainte litigieuse, que les cotisations appelées concernent l'assurance vieillesse et la retraite complémentaire pour la quasi-totalité des sommes réclamées et qu'il existe alors nécessairement « des cotisations gémellaires appelées au titre de la retraite », alors même qu'il n'est pas démontré une activité agricole à titre exclusif.

7. En statuant ainsi, sans inviter les parties à s'expliquer sur ces moyens, alors qu'il résulte des productions que les écritures des parties, dont le jugement constate qu'elles ont été soutenues oralement, n'en faisaient pas état, le tribunal a violé le texte susvisé.


Civ.3 23 janvier 2020 n° 18-15.015

Vu l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 13 juillet 2006, ensemble l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que le bailleur peut demander la résiliation du bail s'il justifie d'une contravention aux obligations dont le preneur est tenu en application des articles L. 411-37, L. 411-39, L. 411-39-1 si elle est de nature à lui porter préjudice ; que, selon le second, le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que, si, lorsque la procédure est orale, les moyens relevés d'office sont présumés avoir été débattus contradictoirement à l'audience, il peut être rapporté la preuve contraire ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 19 février 2018), que MM. S... G... et Z... G... ont donné à bail à MM. U... R... et J... R... (les consorts R...) un corps de ferme et diverses parcelles de terre, qui ont été mises à disposition de l'entreprise à responsabilité limitée du Thil ; que, le 21 janvier 2016, M. Z... G..., devenu seul propriétaire des biens donnés à bail, a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d'une demande de résiliation du bail pour violation des articles L. 411-35 et L. 411-37 du code rural par les preneurs ;

Attendu que, pour accueillir la demande, l'arrêt retient que, les changements dans la mise à disposition des terres étant intervenus avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 13 juillet 2006, la demande en résiliation du bail n'est pas soumise à l'exigence d'un préjudice susceptible d'être causé au bailleur et qu'en tout état de cause l'absence d'exploitation des terres par MM. J... et U... R... est source de préjudice pour le bailleur qui se trouve privé de la possibilité d'exécuter les obligations nées du bail à l'encontre de ceux-ci ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article L. 411-31, II, 3°, du code rural, issues de l'ordonnance du 13 juillet 2006, étaient applicables au bail liant M. G... aux consorts R..., dès lors que la saisine du tribunal paritaire des baux ruraux était postérieure à l'entrée en vigueur de ladite ordonnance et qu'il ne ressort ni de l'arrêt ni des conclusions des parties, dont il est précisé qu'elles avaient été développées oralement, que M. G... eût soutenu subir un préjudice, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;


Civ.2 28 novembre 2019 n° 18-22.609

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu, selon ce texte, que le juge doit, en toutes circonstances, observer lui-même le principe de la contradiction ; que si, dans les procédures orales, les moyens soulevés d'office sont présumés, sauf preuve contraire, avoir été débattus contradictoirement à l'audience, cette preuve peut résulter de ce que l'arrêt constate que les parties ont développé à l'audience leurs observations écrites lorsque celles-ci ne font pas état de tels moyens ;

Attendu que pour annuler la contrainte, l'arrêt retient que la celle-ci visait également d'autres sommes dues à titre de majorations de retard, en mai 2013 et juillet 2013, sur la base de deux mises en demeure des 16 juillet et 23 août 2013 ; que l'URSSAF n'a pas communiqué ces mises en demeure, n'a fourni aucune explication et n'a pas justifié de la réalité des sommes dues en principal, alors que l'appelante demandait l'annulation totale de la contrainte ;

Qu'en statuant ainsi, sans inviter les parties à s'expliquer sur ce moyen, alors que les observations écrites que l'opposante à la contrainte avait développées à l'audience, tout en concluant à l'annulation totale de celle-ci, ne faisaient pas état du caractère non fondé des majorations de retard, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;


Civ.2 6 décembre 2018 n° 17-27.910

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu que le juge doit, en toutes circonstances, observer lui-même le principe de la contradiction ; que si, dans les procédures orales, les moyens relevés d'office sont présumés avoir été débattus contradictoirement à l'audience, la preuve contraire peut résulter de ce que la décision attaquée constate que les parties ont soutenu oralement leurs écritures et que celles-ci ne comportaient pas lesdits moyens ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande de Mme X..., le jugement retient qu'elle est fondée sur l'inexécution d'une obligation contractuelle conclue entre la société et un tiers, M. X... ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des productions que les écritures des parties, dont le jugement constate qu'elles ont été soutenues oralement, ne développent pas de discussion sur le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande, la juridiction, qui a relevé cette fin de non-recevoir sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations, a violé le texte susvisé ;


Soc. 6 juin 2018 n° 17-18.421

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer ou observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que si, lorsque la procédure est orale, les moyens soulevés d'office sont présumés avoir été débattus contradictoirement à l'audience, il peut être apporté la preuve contraire ;

Attendu, selon le jugement attaqué, qu'aux termes d'une lettre datée du 3 février 2017, la société Eiffage énergie Ile-de-France a été informée par le syndicat Sud Eiffage Ile-de-France de la désignation de M. Y... en qualité de délégué syndical pour l'établissement infrastructures Nord-Est ; que la société a saisi le tribunal d'instance d'une requête en annulation de cette désignation ;

Attendu que pour déclarer irrecevable cette requête, le jugement énonce qu'en cette matière, le délai pour agir est de 15 jours à compter de la réception par l'employeur de la lettre de désignation, qu'en l'espèce le recours enregistré au greffe le 22 février 2017 a été exercé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée le 21 février, qu'il est donc tardif dès lors que la société ne prouve d'aucune manière avoir reçu la désignation le 7 février 2017, comme elle le soutient ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il énonçait que les parties avaient repris oralement à l'audience leurs conclusions écrites et qu'il résultait de celles-ci qu'il était constant que la société avait eu connaissance de la désignation le 7 février 2017, le tribunal, qui a relevé d'office le moyen tiré du caractère tardif du recours sans avoir sollicité les observations des parties, a violé le texte susvisé ;