vendredi 23 février 2018

CDD de remplacement - l'assouplissement de la jurisprudence de la Cour de cassation




Le principe est clair et il est énoncé à l'article L1242-1 du code du travail:
"Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise".
La Cour de cassation avait ainsi jugé : 
"La possibilité donnée à l'employeur de conclure avec le même salarié des contrats à durée déterminée successifs pour remplacer un ou des salariés absents ou dont le contrat de travail est suspendu, ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
Il en résulte que l'employeur ne peut recourir de façon systématique aux contrats à durée déterminée de remplacement pour faire face à un besoin structurel de main-d'oeuvre.
Dès lors, ayant constaté que, pendant deux années consécutives, et quel que soit le remplacement assuré à l'occasion des nombreux contrats à durée déterminée conclus, le salarié avait occupé le même emploi de receveur de péage, pour des durées très limitées mais répétées à bref intervalle, que le nombre de contrats de travail à durée déterminée de remplacement au péage était important comparativement à l'effectif de l'entreprise et que le recours au contrat à durée déterminée était érigé en mode normal de gestion de la main-d'oeuvre, la cour d'appel en a exactement déduit que l'emploi qu'il occupait était lié durablement à l'activité normale et permanente de l'entreprise et qu'il y avait lieu de requalifier les contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée"

(Soc. 26 janvier 2005 Bull. nº 21 pourvoi nº 02-45342)
La Cour de cassation vient d'assouplir sa jurisprudence et elle considère désormais : 
"​​Le seul fait pour l'employeur, qui est tenu de garantir aux salariés le bénéfice des droits à congés maladie ou maternité, à congés payés ou repos que leur accorde la loi, de recourir à des contrats à durée déterminée de remplacement de manière récurrente, voire permanente, ne saurait suffire à caractériser un recours systématique aux contrats à durée déterminée pour faire face à un besoin structurel de main d'oeuvre et pourvoir ainsi durablement un emploi durable lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise" (​​Soc. 14 février 2018 n° 16-17966 FS-PBI).
L'arrêt a été rendu en FS : formation de section - ce qui est rare.

Il est publié au Bulletin et au Bicc et sur le site internet de la Cour de cassation (ici) : c'est à dire que c'est un arrêt de principe qui fait l'objet d'une large diffusion.

Cette évolution de la jurisprudence se comprend. 

La Cour de cassation exige de l'employeur qui fasse bénéficier les salariés de leurs congés et elle a sensiblement durci sa jurisprudence sur ce point depuis 2008. Il est tout aussi évident que l'employeur doit respecter les congés maladies ou maternité. 

Corrélativement, le nombre de cas de recours aux CDDs de remplacement augmente d'autant, surtout si l'entreprise comporte de nombreux salariés - sans pour autant, nous précise la Cour de cassation - qu'il s'agisse de pourvoir durablement à un emploi relevant de l'activité normale de l'entreprise.




dimanche 18 février 2018

Droit du travail : exécution du contrat de travail

La thématique : l'exécution du contrat de travail - la modification du contrat de travail / la modification des conditions de travail - les libertés fondamentales du salarié

La vidéo youtube de la présentation powerpoint se trouve ici



L'enregistrement audio / podcast se trouve ici

https://drive.google.com/open?id=1p9jwAip1LqQjUpXsSP4AjFm7E92vG6M5



vendredi 9 février 2018

Droit du travail : le salarié licencié pour avoir relaté des faits de harcèlement moral.





I. - la jurisprudence antérieure aux ordonnances « Macron »

Les deux articles du code du travail applicables sont les suivants :

Article L1152-2 : « Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ».

Article L1152-3 : « Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul ».

Sur le fondement de ces textes, par trois arrêts de principe, la Cour de cassation a jugé que le salarié ne peut être licencié pour avoir relaté des faits de harcèlement moral sauf mauvaise foi de sa part et qu’en conséquence le licenciement prononcé est nul.

Plus précisément, la cour régulatrice a retenu que:
    - « le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis et n'est constituée que lorsqu'il est établi que l'intéressé savait que les faits dénoncés étaient faux » (Soc. 7 février 2012 Bull. nº 55, pourvoi nº 10-18035)
    - « sauf mauvaise foi, un salarié ne peut être sanctionné pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral. Viole les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail une cour d'appel qui, pour retenir la faute grave du salarié, relève un abus dans l'exercice de sa liberté d'expression pour avoir dénoncé aux membres du conseil d'administration de l'employeur des agissements inacceptables de violence morale, altérant sa santé mentale et dégradant ses conditions matérielles en vue de compromettre son avenir professionnel de la part de son supérieur hiérarchique, sans caractériser la mauvaise foi du salarié, alors qu'elle avait constaté que celui-ci avait été licencié pour avoir relaté des faits de harcèlement, ce dont il résultait que le licenciement était nul » (Soc. 19 octobre 2011 Bull. nº 234 pourvoi nº 10-16444)

    - « le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis. Viole les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail, la cour d'appel qui retient que le fait pour un salarié d'imputer à son employeur des irrégularités graves dont la réalité n'est pas établie et de reprocher des faits de harcèlement à un supérieur hiérarchique sans les prouver, caractérise un abus dans l'exercice de la liberté d'expression et constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, alors que le grief tiré de la relation d'agissements de harcèlement moral par le salarié, dont la mauvaise foi n'était pas alléguée, emportait à lui seul la nullité de plein droit du licenciement » (Soc. 10 mars 2009 Bull. nº 66 pourvoi nº 07-44092).

La solution est désormais constante (illustrations récentes, not. Soc. 8 mars 2017, nº 15-25072 ; Soc. 3 février 2017 pourvoi nº 15-16340 ; Soc. 2 novembre 2016 pourvoi nº 15-20916 ; Soc. 30 novembre 2016 pourvoi nº 15-20969 ; Soc. 29 septembre 2016 pourvoi nº 15-17511 ; Soc. 28 septembre 2016 pourvoi nº 14-28298 ; Soc. 13 janvier 2016 pourvoi nº 14-20830 ; Soc. 8 décembre 2015 pourvoi nº 14-16278 ; Soc. 25 novembre 2015 Bull. en cours pourvoi nº 14-17551 ; Soc. 14 octobre 2015 pourvoi nº 13-28484 ; Soc. 14 octobre 2015 pourvoi nº 14-12584 ; Soc. 10 juin 2015 Bull. en cours pourvoi nº 13-25554 ; Soc. 10 juin 2015 Bull. en cours pourvoi nº 14-13318 ; Soc. 12 juin 2014 pourvoi nº 12-28944 ; Soc. 22 janvier 2014 pourvoi nº 12-15430), en particulier, parmi les arrêts précités, not. :
- « qu'ayant constaté d'une part, que dans la lettre de licenciement il était notamment reproché au salarié d'avoir tenté d'instruire un dossier de harcèlement à la seule fin de préparer son dossier contentieux et d'autre part, que l'employeur n'établissait pas que cette dénonciation avait été faite de mauvaise foi, laquelle ne résulte pas de la seule circonstance que les faits dénoncés ne seraient pas établis, la cour d'appel qui n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, en a exactement déduit que ce grief emportait à lui seul la nullité du licenciement » (Soc. 8 décembre 2015 pourvoi nº 14-16278) 
- « Mais attendu que la cour d'appel, constatant que l'employeur reprochait notamment au salarié d'entretenir de graves difficultés relationnelles avec sa hiérarchie et d'avoir récemment évoqué auprès du représentant du personnel son intention de déposer plainte pour harcèlement moral, a retenu que le licenciement était fondé notamment sur la dénonciation par lui de faits de harcèlement moral et que le licenciement était, en l'absence de mauvaise foi du salarié, entaché de nullité » (Soc. 14 octobre 2015 pourvoi nº 14-12584).

C’est surtout la dernière illustration jurisprudentielle qui est particulièrement topique :

« Vu les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;
Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes en annulation de son licenciement, en paiement des indemnités à ce titre et en contestation de sa condamnation au paiement à la société d'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt retient qu'il ressortait clairement des termes de la lettre de licenciement que le motif du licenciement du salarié est son comportement à l'égard de ses collaborateurs et non l'accusation de harcèlement commis à son égard par le président du groupe qui est évoquée en fin de lettre comme stratégie de défense inacceptable, que le moyen soulevé par l'appelant sur le fondement de l'article L. 1152-2 du code du travail au motif qu'il aurait été licencié pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral n'est donc pas fondé ;
Attendu cependant que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ;
Qu'en se déterminant comme elle a fait, alors qu'elle avait constaté que le salarié avait informé la société de son action prud'homale par lettre du 21 octobre 2010 en raison de faits de harcèlement moral dont il se prétendait victime de la part du président du groupe, que ce dernier avait réfuté cette accusation par lettre du 29 octobre et que la lettre de licenciement du 16 novembre faisait état de cette accusation de harcèlement évoquée comme stratégie de défense inacceptable, la cour d'appel, qui ne s'est pas expliquée sur la concomitance entre la dénonciation des faits et le déclenchement de la procédure de licenciement, ni sur les termes des lettres précitées du président du groupe reprochant au salarié les accusations de harcèlement moral formulées à son encontre, n'a pas légalement justifié sa décision » (Soc. 3 février 2017 pourvoi nº 15-16340).

Dans cette décision le salarié n’a pas été licencié pour avoir proféré des accusations de harcèlement moral à l’encontre de son employeur. L’accusation de harcèlement moral n’était pas un motif de licenciement : l'employeur se bornait simplement à relever qu’il s’agissait là d’une « stratégie de défense inacceptable ».

me dans ce cas, le licenciement est nul.

En conclusion : si jamais l'employeur mentionne dans la lettre de licenciement le fait que le salarié s’estime victime de harcèlement moral, l'employeur doit impérativement démontrer la mauvaise foi du salarié, sachant que celle-ci est interprétée très strictement par les juges du fond.

II. - l’apport des ordonnances « Macron ».

L’article L1235-3-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’Ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017, dispose désormais :

« L'article L. 1235-3 [NDT : celui qui est relatif aux barèmes d’indemnisation] n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Les nullités mentionnées à l'alinéa précédent sont celles qui sont afférentes à la violation d'une liberté fondamentale, à des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4, à un licenciement discriminatoire dans les conditions prévues aux articles L. 1134-4 et L. 1132-4 ou consécutif à une action en justice, en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l'article L. 1144-3 et en cas de dénonciation de crimes et délits, ou à l'exercice d'un mandat par un salarié protégé mentionné au chapitre Ier du titre Ier du livre IV de la deuxième partie, ainsi qu'aux protections dont bénéficient certains salariés en application des articles L. 1225-71 et L. 1226-13 (...) ».

En clair, le juge est tenu d’indemniser intégralement le préjudice subi par le salarié, il existe un plancher d’indemnisation (6 mois de salaires) mais pas de plafond.

La question qui se pose c’est : est-ce que le juge peut néanmoins tenir compte des autres griefs mentionnés dans la lettre de licenciement pour apprécier l’étendue du préjudice subi par le salarié qui est licencié en autre pour avoir relaté des faits de harcèlement moral mais également pour d’autres raisons.

Or, il existe un autre article du code du travail qui a été créé par l’Ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, l’article L1235-2-1 qui énonce :

« En cas de pluralité de motifs de licenciement, si l'un des griefs reprochés au salarié porte atteinte à une liberté fondamentale, la nullité encourue de la rupture ne dispense pas le juge d'examiner l'ensemble des griefs énoncés, pour en tenir compte, le cas échéant, dans l'évaluation qu'il fait de l'indemnité à allouer au salarié, sans préjudice des dispositions de l'article L. 1235-3-1 ».

Certes le texte se réfère exclusivement aux libertés fondamentales et ne fait aucune référence au harcèlement moral.

Le harcèlement moral n’est d’ailleurs pas une atteinte à une liberté fondamentale mais une atteinte à la dignité du salarié.

Cela étant il est commun de considéré que la dignité de la personne humaine est la matrice de toutes les libertés fondamentales qui en découle.

Est-ce à dire que, dans un futur plus ou moins proche, la Cour de cassation ne va pas amender sa jurisprudence pour considérer qu’en cas de pluralité de motif de licenciement dont celui relatif au fait d’avoir relaté des faits de harcèlement moral, le juge doit examiner tous les griefs pour en tenir compte dans l’évaluation du préjudice indemnisé ? Rien ne permet de l’exclure.

Au demeurant on sent poindre cette tentation dans certains arrêts de la cour régulatrice où celle-ci admet la dissociation entre l’existence d’un harcèlement moral qui est indemnisé et un licenciement qui repose sur une autre cause, jugée réelle et sérieuse :

Soc. 12 octobre 2016 pourvoi nº 15-18711 « Mais attendu que c'est dans le cadre de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, analysant la valeur et la portée des éléments de preuve produits, a retenu, sans encourir les griefs du moyen, qu'il n'était pas établi que le licenciement pour insuffisance professionnelle avait pour origine le harcèlement moral dont elle constatait par ailleurs l'existence »

déjà Soc. 11 février 2015 pourvoi nº 13-24200 « Mais attendu qu'après avoir relevé que la lettre de licenciement reprochait au salarié d'avoir abusé de sa liberté d'expression dans une lettre du 29 juillet 2010 qu'il avait adressée à son supérieur hiérarchique et d'avoir ainsi manqué à son obligation de loyauté envers son employeur, la cour d'appel, procédant à la recherche de la véritable cause du licenciement, a retenu que le salarié avait été licencié pour ce seul motif et non pas pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral »

ou encore Soc. 4 juin 2014 pourvoi nº 13-17099 « Mais attendu que la cour d'appel a décidé à bon droit que, si la salariée avait été victime de harcèlement moral, aucun élément ne permettait de rattacher la rupture du contrat de travail à la situation de harcèlement, et que dès lors la nullité du licenciement n'était pas encourue de ce chef ; que le moyen n'est pas fondé »

ou Soc. 2 juillet 2014 pourvoi nº 13-19990 « Mais attendu que la cour d'appel a fait ressortir que le licenciement était sans rapport avec la prétendue dénonciation de faits de harcèlement subis par un subordonné »
(à rapprocher aussi de Soc. 29 juin 2016 pourvoi nº 15-11013)

Si l’on admet que, nonobstant l’existence d’un harcèlement moral avéré et indemnisé par ailleurs, le licenciement peut être fondé sur une cause réelle et sérieuse – on ne voit pas très bien pourquoi le reproche fait au salarié d’avoir relaté un harcèlement moral non constitué devrait occulter tous les autres motifs de licenciement si ceux ci sont avérés.

En conclusion, pour solide que puisse paraître la jurisprudence rappelée dans la première partie de ce billet, des fissures pourraient apparaître d’autant qu’il existe désormais un article du code du travail sur lesquelles elles peuvent prendre appui.





La masse salariale à retenir pour le calcul de la subvention de fonctionnement et la contribution aux activités sociales et culturelles du comité d'entreprise / comité social et économique : le revirement de jurisprudence du 7 février 2018

Pour son fonctionnement et pour ses activités sociales et culturelles, le comité d'entreprise (qui va devenir le comité social et économique) reçoit de la part de l'employeur une subvention et une contribution.

I. - le droit antérieur aux Ordonnances "Macron".
Selon le premier alinéa de l’article L2325-43 du code du travail, « l'employeur verse au comité d'entreprise une subvention de fonctionnement d'un montant annuel équivalent à 0,2 % de la masse salariale brute ».

Et la Cour de cassation avait précisé que « la masse salariale de référence servant d'assiette à la contribution patronale aux activités sociales et culturelles du comité d'entreprise n'est pas différente de la masse salariale servant au calcul de la subvention de fonctionnement » (Soc. 2 décembre 2008, nº 07-16615, Bull. nº 241).

Or – c’est là l’essentiel – la masse salariale brute n’est définie ni par le code du travail, ni le code de la sécurité sociale, ni le plan comptable général.

Avant son revirement du 7 février 2018, la cour régulatrice retenait que « sauf engagement plus favorable, la masse salariale servant au calcul de la contribution patronale aux activités sociales et culturelles et au calcul de la subvention de fonctionnement versée par l'employeur au comité d'entreprise s'entend de la masse salariale brute correspondant au compte 641, à l'exception des sommes qui correspondent à la rémunération des dirigeants sociaux, à des remboursements de frais, ainsi que celles qui, hormis les indemnités légales et conventionnelles de licenciement, de retraite et de préavis, sont dues au titre de la rupture du contrat de travail » (Soc. 20 mai 2014, nº 12-29142, Bull. nº 123 – confirmé par Soc. 9 juillet 2014, nº 13-17470, Bull. nº 189).

Les employeurs souhaitaient à l'inverse que l'on se fonde l'assiette des cotisations sociales du régime général qui est définie à l'article L242-1 du code de la sécurité sociale et donc que, concrètement, on ne retiennent que les sommes qui figurent sur l’ancienne « déclaration annuelle des données sociales » (DADS) qui va progressivement être remplacée par la « déclaration sociale nominative » (DSN).

Quelle différence cela implique concrètement ? 

Comme la DADS, le compte 641 recense les salaires nets versés aux salariés et les charges salariales correspondantes mais – à l’inverse de la DADS où elles ne sont pas mentionnées – le compte 641 comptabilise également toutes les primes et gratifications allouées aux salariées, ainsi que les indemnités versées aux salariés, notamment les indemnités de licenciement ou celles de ruptures conventionnelles et enfin les avantages en nature (sur cette différence, cf. not. https://www.compta-facile.com/charges-de-personnel-comptes-64/ pour le compte 641 https://www.service-public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/F23892 pour la DADS).

En résumé, l'assiette du compte 641 du plan comptable général est plus large que l'article 242-1 du code de la sécurité sociale et la DADS qui en découle. 


II. - Le revirement de jurisprudence du 7 février 2018.

Par deux arrêts du 7 février 2018, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence et les arrêts ont fait l’objet de la plus grande diffusion, puisqu’ils ont été publiés sur le site internet de la Cour de cassation avec une note explicative (https://goo.gl/gNqE8P).

Dans l’arrêt n°307, la cour régulatrice retient :

« Vu les articles L. 2323-86 et L. 2325-43 alors applicables, et L. 3312-4 du code du travail ;

Attendu que l’évolution de la jurisprudence, qui a exclu de l’assiette de référence du calcul de la subvention de fonctionnement et de la contribution aux activités sociales et culturelles diverses sommes figurant au compte 641 mais n’ayant pas la nature juridique de salaires, conduit à priver de pertinence le recours à ce compte pour la mise en oeuvre des dispositions des articles L. 2325-43 et L. 2323-86 du code du travail ;

Attendu que, sauf engagement plus favorable, la masse salariale servant au calcul de la subvention de fonctionnement comme de la contribution aux activités sociales et culturelles, s’entend de la masse salariale brute constituée par l’ensemble des gains et rémunérations soumis à cotisations de sécurité sociale en application de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ; qu’aux termes de l’article L. 3312-4 du code du travail, les sommes attribuées en application de l’accord d’intéressement n’ont pas le caractère de rémunération au sens de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que contestant l’assiette de calcul de la subvention de fonctionnement et de la contribution aux activités sociales et culturelles appliquée par l’entreprise, le comité d’entreprise de la société Revillon chocolatier a, par acte du 7 novembre 2013, saisi le tribunal de grande instance pour obtenir paiement d’un rappel de chacune de ces subventions ;

Attendu que pour condamner l’employeur à payer certaines sommes au titre de la subvention de fonctionnement et de la contribution aux activités sociales et culturelles du comité d’entreprise, l’arrêt retient qu’il est de principe constant que, sauf engagement plus favorable qui n’est pas caractérisé en l’espèce, la masse salariale servant au calcul de la subvention de fonctionnement au comité d’entreprise et de la contribution aux activités sociales et culturelles s’entend de la masse salariale brute correspondant au compte 641 « rémunérations du personnel » tel que défini par le plan comptable général, à l’exception des sommes correspondant à la rémunération des dirigeants sociaux, à des remboursements de frais, ainsi que celles qui, hormis les indemnités légales et conventionnelles de licenciement, de retraite et de préavis, sont dues à la rupture du contrat de travail ; que les sommes payées à titre de provision sur intéressement ne sauraient être déduites de la base de calcul comme constituant un élément de rémunération à caractère salarial ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; » (Soc. 7 février 2018 n°16-16086)

Dans l’arrêt n°303, la haute juridiction retient :

« Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 22 juillet 2016), que le 21 février 2014, le comité d’entreprise de l’UES ATOS Intégration a saisi le tribunal de grande instance aux fins d’obtenir la condamnation de l’employeur à lui verser un rappel sur les sommes lui étant dues au titre de la subvention de fonctionnement et de la contribution aux activités sociales et culturelles depuis 2008 ;

Attendu que le comité d’entreprise fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande de rappel alors, selon le moyen, que :

1°/ sauf engagement plus favorable, la masse salariale servant au calcul de la contribution patronale aux activités sociales et culturelles et de la subvention de fonctionnement du comité d’entreprise s’entend de la masse salariale brute correspondant au compte 641 du plan comptable général à l’exception des sommes qui correspondent à la rémunération des dirigeants sociaux, à des remboursements de frais, ainsi que celles qui, hormis les indemnités légales et conventionnelles de licenciement, de retraite et de préavis, sont dues au titre de la rupture du contrat de travail ; qu’en écartant, en l’espèce, toute référence au compte 641 pour dire que la masse salariale brute permettant de fixer le montant du budget de fonctionnement et du budget des activités sociales et culturelles du comité d’entreprise devait être calculée à partir des DADS des sociétés composant l’UES et débouter en conséquence le comité d’entreprise de ses demandes, la cour d’appel a violé les dispositions des articles L. 2323-86 et L. 2325-43 du code du travail ;

2°/ les provisions à valoir sur toutes sommes de nature salariale doivent être incluses dans la masse salariale brute servant au calcul de la subvention de fonctionnement et de la subvention patronale aux activités sociales et culturelles du comité d’entreprise ; qu’en décidant en l’espèce que les provisions sur congés payés ne devaient pas être prises en compte dans la base de calcul de cette masse salariale brute, la cour d’appel a violé les dispositions des articles L. 2323-86 et L. 2325-43 du code du travail ;

3°/ les indemnités légales et conventionnelles de licenciement et de retraite versées au titre de la rupture du contrat de travail des salariés concernés doivent être incluses dans la masse salariale brute servant au calcul de la subvention de fonctionnement et de la subvention patronale aux activités sociales et culturelles du comité d’entreprise ; qu’en considérant en l’espèce qu’il n’y avait pas lieu d’inclure dans la base de calcul de cette masse salariale brute « la partie indemnitaire des sommes versées aux salariés licenciés ou ayant quitté la société à la suite d’un plan social », précisant que cette « partie indemnitaire » incluait notamment les indemnités légales ou conventionnelles de licenciement, la cour d’appel a de nouveau violé les dispositions des articles L. 2323-86 et L. 2325-43 du code du travail ;

4°/ pendant le temps de leur mise à dispositions, les salariés sont présumés être intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail de l’entreprise d’accueil si bien que leur rémunération doit être prise en compte dans le calcul de la masse salariale brute servant au calcul de la subvention de fonctionnement et de la subvention patronale aux activités sociales et culturelles du comité d’entreprise de cette entreprise ; qu’en conséquence, il appartient à l’employeur qui entend voir ces rémunérations exclues du calcul de la masse salariale brute de rapporter la preuve de l’absence d’intégration étroite et permanente des salariés mis à disposition ; qu’en l’espèce, pour retenir qu’il ne fallait pas inclure dans la masse salariale brute le montant des rémunérations des salariés mis à la disposition de l’entreprise, la cour d’appel a relevé qu’aucun élément ne permettait d’établir que ces salariés mis à disposition étaient, au cas d’espèce, complètement intégrés à la communauté de travail ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a encore un fois violé les dispositions des articles L. 2323-86 et L. 2325-43 du code du travail ;

Mais attendu que l’évolution de la jurisprudence, qui a exclu de l’assiette de référence du calcul de la subvention de fonctionnement et de la contribution aux activités sociales et culturelles diverses sommes figurant au compte 641 mais n’ayant pas la nature juridique de salaires, conduit à priver de pertinence le recours à ce compte pour la mise en oeuvre des dispositions des articles L. 2325-43 et L. 2323-86 alors applicables du code du travail ;

Attendu d’abord que, sauf engagement plus favorable, la masse salariale servant au calcul de la subvention de fonctionnement du comité d’entreprise comme de la contribution aux activités sociales et culturelles, s’entend de la masse salariale brute constituée par l’ensemble des gains et rémunérations soumis à cotisations de sécurité sociale en application de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ;

Attendu ensuite qu’il résulte des articles L. 1251-24 et L. 8241-1 du code du travail que les salariés mis à disposition ont accès, dans l’entreprise utilisatrice, dans les mêmes conditions que les salariés de cette entreprise, aux moyens de transport collectif et aux installations collectives, notamment de restauration, dont peuvent bénéficier ces salariés ; que lorsque des dépenses supplémentaires incombent au comité d’entreprise de l’entreprise utilisatrice, celles-ci doivent lui être remboursées suivant des modalités définies au contrat de mise à disposition ; qu’il en découle que la rémunération versée aux salariés mis à disposition par leur employeur n’a pas à être incluse dans la masse salariale brute de l’entreprise utilisatrice servant de base au calcul de la subvention de fonctionnement et de la contribution aux activités sociales et culturelles ;

Et attendu que c’est dès lors à bon droit que la cour d’appel a refusé d’intégrer dans la masse salariale brute les provisions sur congés payés, les indemnités légales et conventionnelles de licenciement et les indemnités de retraite, ainsi que les rémunérations versées aux salariés mis à disposition par une entreprise extérieure, toutes sommes qui ne figurent pas dans la déclaration annuelle des données sociales de l’entreprise ;

D’où il suit que le moyen, inopérant en sa quatrième branche, n’est pas fondé pour le surplus ; » (Soc. 7 février 2018 n°16-24231)

Le revirement de jurisprudence est total puisque la nouvelle solution peut être résumée ainsi :

- la masse salariale servant au calcul de la subvention de fonctionnement du comité d’entreprise comme de la contribution aux activités sociales et culturelles est calculée à partir des sommes qui entrent dans l’assiette des cotisations du régime général de la sécurité sociale, telle que celle-ci est définie à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale : concrètement ces sommes sont répertoriées sur l’ancienne « déclaration annuelle des données sociales » (DADS) qui va progressivement être remplacée par la « déclaration sociale nominative » (DSN),

- la nouvelle référence à l’article L.242-1 du code de la sécurité sociale, sans autre précision ou restriction, signifie que les indemnités de licenciement ne seront prises en compte que pour leur part soumise à cotisations sociales (au delà de deux fois le plafond de la sécurité sociale – cf. dernier alinéa de l’article),

- les sommes attribuées dans le cadre d’un accord d’intéressement ne sont pas incluses dans la masse salariale, par application de l’article L3312-4 du code du travail.

A première vue, on pourrait penser qu'avec ce revirement de jurisprudence, la Cour de cassation anticipe l'évolution du code du travail tel qu'il résulte des ordonnances "Macron" de septembre 2017.

Mais on ne saurait en être certain pour autant. 

Pour le comprendre, il convient de comparer les textes en vigueur jusqu’au 31 décembre 2017 et ceux qui sont issus de l’ordonnance qui entrera en vigueur au 1er janvier 2018, il en ressort :

Pour la subvention de fonctionnement
En vigueur jusqu’au 31 décembre 2017
En vigueur à compter du 1er janvier 2018
Article L2325-43 du code du travail
Article L2315-61 du code du travail
L'employeur verse au comité d'entreprise une subvention de fonctionnement d'un montant annuel équivalent à 0,2 % de la masse salariale brute.
Ce montant s'ajoute à la subvention destinée aux activités sociales et culturelles, sauf si l'employeur fait déjà bénéficier le comité d'une somme ou de moyens en personnel équivalents à 0,2 % de la masse salariale brute.
Le comité d'entreprise peut décider, par une délibération, de consacrer une partie de son budget de fonctionnement au financement de la formation des délégués du personnel et des délégués syndicaux de l'entreprise.
Cette somme et ses modalités d'utilisation sont inscrites, d'une part, dans les comptes annuels du comité d'entreprise ou, le cas échéant, dans les documents mentionnés à l'article L. 2325-46 et, d'autre part, dans le rapport mentionné à l'article L. 2325-50.
L'employeur verse au comité social et économique une subvention de fonctionnement d'un montant annuel équivalent à :
1° 0,20 % de la masse salariale brute dans les entreprises de cinquante à deux mille salariés ;
2° 0,22 % de la masse salariale brute dans les entreprises de plus de deux mille salariés.
Ce montant s'ajoute à la subvention destinée aux activités sociales et culturelles, sauf si l'employeur fait déjà bénéficier le comité d'une somme ou de moyens en personnel équivalents à 0,22 % de la masse salariale brute.
Le comité social et économique peut décider, par une délibération, de consacrer une partie de son budget de fonctionnement au financement de la formation des délégués syndicaux de l'entreprise. Il peut également décider, par une délibération, de transférer tout ou partie du montant de l'excédent annuel du budget de fonctionnement au financement des activités sociales et culturelles.
Cette somme et ses modalités d'utilisation sont inscrites, d'une part, dans les comptes annuels du comité social et économique ou, le cas échéant, dans les documents mentionnés à l'article L. 2315-65 et, d'autre part, dans le rapport mentionné à l'article L. 2315-69.
Pour l'application des dispositions du présent article, la masse salariale brute est constituée par l'ensemble des gains et rémunérations soumis à cotisations de sécurité sociale en application des dispositions de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ou de l'article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime, à l'exception des indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail à durée indéterminée.
Les sommes effectivement distribuées aux salariés lors de l'année de référence en application d'un accord d'intéressement ou de participation sont incluses dans la masse salariale brute.


Pour la contribution en matière d'activités sociales et culturelles
En vigueur jusqu’au 31 décembre 2017
En vigueur à compter du 1er janvier 2018
Article L2323-86 du code du travail
Article L2312-83 du code du travail
La contribution versée chaque année par l'employeur pour financer des institutions sociales du comité d'entreprise ne peut, en aucun cas, être inférieure au total le plus élevé des sommes affectées aux dépenses sociales de l'entreprise atteint au cours des trois dernières années précédant la prise en charge des activités sociales et culturelles par le comité d'entreprise, à l'exclusion des dépenses temporaires lorsque les besoins correspondants ont disparu.
Le rapport de cette contribution au montant global des salaires payés ne peut non plus être inférieur au même rapport existant pour l'année de référence définie au premier alinéa.
Pour l'application du présent paragraphe, la masse salariale brute est constituée par l'ensemble des gains et rémunérations soumis à cotisations de sécurité sociale en application des dispositions de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ou de l'article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime, à l'exception des indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail à durée indéterminée.
Les sommes effectivement distribuées aux salariés lors de l'année de référence en application d'un accord d'intéressement ou de participation sont incluses dans la masse salariale brute.

Comme le font apparaître les deux tableaux, dans ses dispositions législatives applicables à compter du 1er janvier 2018, le code du travail prévoit deux choses : 
  • que la subvention et la contribution du comité d'entreprise / comité social et économique seront calculée à partir d'une masse salariale qui s'identifie à l'assiette des cotisations sociales du régime générale de la sécurité sociale, définie à l'article L242-1 du code de la sécurité sociale et donc concrètement qui figure sur l'ancienne DADS / nouvelle DSN.
  • que les sommes versées au titre de l'intéressement seront également incluses dans la masse salariale à prendre en compte. 

L'impression qui se dégage ainsi des arrêts du 7 février 2018 est que la Cour de cassation a décidé d'appliquer à moitié les nouvelles dispositions de l’ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 et qui plus est au détriment des salariés et cela à double titre : 
  • parce que les sommes figurant sur la DADS/DSN sont plus restreintes que celles figurant au compte 641 du plan comptable général, 
  • parce que l'intéressement est expressément exclu de la jurisprudence de la Cour de cassation alors qu'il y figure dans les nouvelles dispositions législatives. 

Et, sur ce dernier point, l'argument de texte de la cour régulatrice n'est pas parfaitement convaincant : les dispositions des articles L. 2325-43 et L. 2323-86 du code du travail, auxquels la Cour de cassation se réfère, ne renvoient pas à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, ce renvoi est décidé par la Cour de cassation qui pouvait parfaitement - si elle en avait eu l'envie - y ajouter  les sommes versées au titre de l’intéressement. 

Certes il est vrai - comme on peut le lire dans le premier arrêt - que selon "l’article L. 3312-4 du code du travail, les sommes attribuées en application de l’accord d’intéressement n’ont pas le caractère de rémunération au sens de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale" mais dans la mesure où il convenait de définir la "masse salariale" au sens des articles L. 2325-43 et L. 2323-86 du code du travail et que ceux-ci ne font aucune référence à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, la cour régulatrice pouvait parfaitement - comme l'a fait le Législateur ensuite avec les ordonnances Macron - y inclure l'intéressement.

L'impression qui se dégage ainsi du revirement analysé est que l'article L242-1 du code de la sécurité sociale devient une sorte de vortex dont on ne peut échapper pour le calcul de la subventions et contribution du comité d'entreprise / comité social et économique. 

En outre, cette référence à l'article L242-1 du code de la sécurité sociale est regrettable car il aboutit à un résultat paradoxal concernant les indemnités de licenciement : 

Car dans son dernier alinéa, l’article L 242-1 du code de la sécurité sociale dispose :

« Est exclue de l'assiette des cotisations mentionnées au premier alinéa, dans la limite d'un montant fixé à deux fois la valeur annuelle du plafond mentionné à l'article L. 241-3, la part des indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail ou de la cessation forcée des fonctions de mandataires sociaux, dirigeants et personnes visées à l'article 80 ter du code général des impôts qui n'est pas imposable en application de l'article 80 duodecies du même code. Toutefois, les indemnités versées à l'occasion de la cessation forcée des fonctions de mandataires sociaux, dirigeants et personnes mentionnées à l'article 80 ter du code général des impôts d'un montant supérieur à cinq fois le plafond annuel défini par l'article L. 241-3 du présent code et celles, versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail, d'un montant supérieur à dix fois ce même plafond sont intégralement assimilées à des rémunérations pour le calcul des cotisations visées au premier alinéa du présent article. Lorsque les mandataires sociaux, dirigeants et personnes mentionnés à l'article 80 ter du code général des impôts perçoivent à la fois des indemnités à l'occasion de la cessation forcée de leurs fonctions et des indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail, il est fait masse de l'ensemble de ces indemnités ; la somme de ces indemnités est intégralement assimilée à des rémunérations pour le calcul des cotisations mentionnées au premier alinéa du présent article dès lors que le montant de ces indemnités est supérieur à cinq fois le plafond annuel défini au même article L. 241-3 ».

Ce qui – pour simplifier – signifie que les indemnités versées à l'occasion de la rupture d’un contrat de travail, pour leur montant supérieur à deux fois la valeur annuelle du plafond de la sécurité sociale, sont incluses dans l'assiette des cotisations sociales (au delà des autres seuils, c’est l’intégralité de la somme qui est soumise à cotisations).

Devrait-on en déduire que seules ces indemnités les plus élevées auraient la nature d’une rémunération puisqu’elles sont soumises à cotisations et non les autres qui se voient dénuées du caractère d’une rémunération puisqu’aucune cotisation ne leur est appliquée.

On voit ainsi apparaître que la logique de l'article L242-1 du code de la sécurité sociale est totalement dissociée de la nature de rémunération au sens du droit du travail.

Et il faut mesurer l’incohérence de l’articulation posée entre la masse salariale et l’article L242-1 du code de la sécurité sociale.

Pour les salariés dont la rémunération est la plus modeste, les indemnités de licenciement seront par conséquent inférieures aux seuils évoqués dans l’article L242-1 du code de la sécurité sociale, et ces sommes ne constitueraient pas la masse salariale et n’entreraient donc pas dans l’assiette de calcul de la subvention et de la contribution du comité d'entreprise.

Alors que, pour les salariés dont la rémunération est la plus élevée, leurs indemnités de licenciement dépasseront certains des seuils évoqués dans l’article L242-1 du code précité, et seront, soit pour partie soit en totalité, considérées comme intégrant la masse salariale et incluses dans l’assiette de calcul de la subvention et de la contribution du comité d'entreprise.

L’effet de seuil qui est ainsi mis en évidence est incohérent.

En somme, ce revirement de jurisprudence laisse un goût d'inachevé. De toute manière sa portée demeure transitoire puisque les nouvelles dispositions du code du travail (qui feront l'objet d'une autre analyse) vont désormais s'appliquer.