mardi 12 octobre 2021

La légitime défense et usage des armes par les policiers et les gendarmes Crim 6-10-21 n° 21-84.295

 



L'usage des armes par les forces de l'ordre doit être nécessaire, proportionné et leur risposte doit être concommitante à l'attaque selon la Cour de cassation dans son arrêt Crim. 6 octobre 2021 n° 21-84.295



L’autorisation de la loi et l’ordre de l’autorité légitime


Article 122-4 Code pénal

N'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires.

N'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l'autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal.



Légitime défense


Article 122-5 Code pénal

N'est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d'elle-même ou d'autrui, sauf s'il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l'atteinte.

N'est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l'exécution d'un crime ou d'un délit contre un bien, accomplit un acte de défense, autre qu'un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l'infraction.


Article 122-4-1 Code pénal

Version en vigueur du 05 juin 2016 au 02 mars 2017

Abrogé par LOI n°2017-258 du 28 février 2017 - art. 1

Création LOI n°2016-731 du 3 juin 2016 - art. 51

N'est pas pénalement responsable le fonctionnaire de la police nationale, le militaire de la gendarmerie nationale, le militaire déployé sur le territoire national dans le cadre des réquisitions prévues à l'article L. 1321-1 du code de la défense ou l'agent des douanes qui fait un usage absolument nécessaire et strictement proportionné de son arme dans le but exclusif d'empêcher la réitération, dans un temps rapproché, d'un ou plusieurs meurtres ou tentatives de meurtre venant d'être commis, lorsque l'agent a des raisons réelles et objectives d'estimer que cette réitération est probable au regard des informations dont il dispose au moment où il fait usage de son arme.


Article L435-1 Code de la sécurité intérieure

Version en vigueur depuis le 02 mars 2017

Création LOI n°2017-258 du 28 février 2017 - art. 1

Dans l'exercice de leurs fonctions et revêtus de leur uniforme ou des insignes extérieurs et apparents de leur qualité, les agents de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale peuvent, outre les cas mentionnés à l'article L. 211-9, faire usage de leurs armes en cas d'absolue nécessité et de manière strictement proportionnée :

1° Lorsque des atteintes à la vie ou à l'intégrité physique sont portées contre eux ou contre autrui ou lorsque des personnes armées menacent leur vie ou leur intégrité physique ou celles d'autrui ;

2° Lorsque, après deux sommations faites à haute voix, ils ne peuvent défendre autrement les lieux qu'ils occupent ou les personnes qui leur sont confiées ;

3° Lorsque, immédiatement après deux sommations adressées à haute voix, ils ne peuvent contraindre à s'arrêter, autrement que par l'usage des armes, des personnes qui cherchent à échapper à leur garde ou à leurs investigations et qui sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d'autrui ;

4° Lorsqu'ils ne peuvent immobiliser, autrement que par l'usage des armes, des véhicules, embarcations ou autres moyens de transport, dont les conducteurs n'obtempèrent pas à l'ordre d'arrêt et dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d'autrui ;

5° Dans le but exclusif d'empêcher la réitération, dans un temps rapproché, d'un ou de plusieurs meurtres ou tentatives de meurtre venant d'être commis, lorsqu'ils ont des raisons réelles et objectives d'estimer que cette réitération est probable au regard des informations dont ils disposent au moment où ils font usage de leurs armes.



Bibliographie  

Parizot, RSC 2016. 378 (loi du 3 juin 2016: aspects obscurs de droit pénal général).

Tzutzuiano, RSC 2017. 699 (l'usage des armes par les forces de l'ordre. De la légitime défense… à la défense en passant par l'autorisation de la loi).



Moyen de cassation : 


« 1°/ que selon l'article L 435-1 du code de la sécurité intérieure, dans l'exercice de leurs fonctions et revêtus de leur uniforme ou des insignes extérieurs et apparents de leur qualité, les agents de la police nationale peuvent faire usage de leurs armes en cas d'absolue nécessité et de manière strictement proportionnée, lorsque des atteintes à la vie ou à l'intégrité physique sont portées contre eux ou contre autrui ou lorsque des personnes armées menacent leur vie ou leur intégrité physique ou celles d'autrui ; que ce texte ne pose aucune condition de concomitance entre la riposte et l'attaque ; qu'en retenant le contraire, la chambre de l'instruction a violé ces dispositions ;



Réponse de la Cour de cassation 


14. L'article L435-1 du code de sécurité intérieure, issu de la loi n°2017-258 du 28 février 2017 prévoit que, dans l'exercice de leurs fonctions et revêtus de leur uniforme ou des insignes extérieurs et apparents de leur qualité, les agents de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale peuvent, outre les cas mentionnés à l'article L. 211-9 du même code, faire usage de leurs armes en cas d'absolue nécessité et de manière strictement proportionnée, dans les cas qu'il détermine.


15. Selon le 1° de cet article, il en est ainsi lorsque des atteintes à la vie ou à l'intégrité physique sont portées contre eux ou contre autrui ou lorsque des personnes armées menacent leur vie ou leur intégrité physique ou celles d'autrui.


16. Bien que le texte ne le précise pas expressément, il résulte, d'une part, de la forme grammaticale adoptée, soit le présent de l'indicatif, d'autre part, des travaux parlementaires, que, pour être justifié, l'usage de l'arme doit être réalisé dans le même temps que sont portées des atteintes ou proférées des menaces à la vie ou à l'intégrité physique des agents ou d'autrui.


17. Pour rejeter la demande d'application du fait justificatif prévu par l'article 122-4 du code pénal, et ordonner la mise en accusation de M. [S] devant la cour d'assises du chef susvisé, l'arrêt attaqué relève que l'ordre donné par l'autorité légitime était d'interpeller les personnes troublant l'ordre public, sans consigne particulière quant aux méthodes à utiliser.


18. Les juges énoncent que les éléments de procédure ne permettent pas d'affirmer, en outre, et contrairement à ce que soutient M. [S], que M. [U] aurait fait partie des supporters les plus virulents et les plus actifs, ni même qu'il aurait participé aux insultes et exactions dénoncées.


19. Ils concluent sur ce point qu'il n'est pas acquis que M. [S] soit en droit, dans ces conditions, de se prévaloir d'éléments de contexte pour considérer qu'il avait reçu des instructions autorisant expressément, ou même implicitement par leur caractère général, l'interpellation avec usage d'une arme de M. [U], dont il n'est pas contesté en revanche qu'il était en train de fuir au moment où il a reçu le coup qui a eu pour conséquence de le priver définitivement de l'usage de son oeil gauche ; que M. [S], de bonne ou de mauvaise foi, s'est mépris sur la nature de l'ordre reçu.


20. Les juges énoncent ensuite que l'article L 435-1 du code de la sécurité intérieure encadre rigoureusement l'action des forces de l'ordre, et à plusieurs égards, reprend les exigences de la légitime défense, notamment dans son 1°, l'usage du présent de l'indicatif permettant de retenir l'exigence de la concomitance entre la riposte et l'attaque.


21. Ils ajoutent, que l'on se place dans le cadre d'un ordre donné par l'autorité légitime ou de l'autorisation de la loi, que l'action doit répondre aux mêmes exigences issues de l'article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure ; qu'il ne résulte nullement de l'information que M. [S] se serait trouvé dans l'une des hypothèses prévues par cet article, lequel rappelle à titre liminaire que l'usage de leurs armes par les forces de l'ordre ne doit s'effectuer qu'en cas d'absolue nécessité et de manière strictement proportionnée et qu'en l'espèce, la vie du policier, pas plus que celle d'autrui, n'était menacée par M. [U], qui fuyait et dont rien ne démontre qu'il était porteur d'une arme, fût-ce par destination.


22. La cour conclut que, dans ces conditions, rien ne démontre que M. [S] était autorisé dans la circonstance à faire usage de son arme, en méconnaissance des principes de proportionnalité et d'absolue nécessité.


23. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a, sans insuffisance ni contradiction, justifié sa décision.


24. En effet, la chambre de l'instruction a pu estimer, après avoir souverainement apprécié les faits et les éléments discutés devant elle, que, d'une part, M. [S] ne pouvait invoquer le commandement de l'autorité légitime pour avoir fait usage de son arme contre une personne qui prenait la fuite, aucun élément ne permettant de conclure à l'implication de la victime dans les infractions commises dans les minutes qui précédaient, cette action dépassant dès lors la consigne d'interpeller les personnes troublant l'ordre public.


25. Elle a pu également juger, d'autre part, que l'action entreprise par M. [S] n'entrait pas dans le cadre d'application de l'article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure, les faits ayant été commis, alors que la personne visée prenait la fuite, en méconnaissance des principes de proportionnalité et d'absolue nécessité.


26. Les moyens doivent, en conséquence, être rejetés.