mercredi 13 novembre 2019

La différence entre l'entre-aide familiale et le lien de subordination qui caractérise le contrat de travail


En vertu des articles 205 et 207 du code civil, les enfants doivent des aliments à leurs père et mère qui sont dans le besoin et cette obligation est réciproque.

Lorsque ce devoir est exécuté spontanément, il s’agit de l’entre-aide familiale.

Cependant l’existence de obligation alimentaire, et son exécution spontanée dans le cadre de l'entre-aide familiale, ne font pas obstacle à ce que soit reconnue l’existence d’une véritable relation de travail entre ces mêmes personnes.

Il est ainsi constant que, « compte tenu de l’obligation alimentaire existant entre ascendant et descendant et des manifestations de l’entre-aide familiale qui en découle, l’existence d’un contrat de travail doit être prouvé et le lien de subordination doit être caractérisé » (Soc., 14 janvier 1971, n° 69-13.123, Bull. n° 30 Soc., 2 mars 1966, n° 64-11.233, au Bull. n° 229 Civ. 2, 12 juillet 1961, n° 60-10.158, au Bull. n° 566).

La solution est constante (égal. Civ. 2, 3 février 2011, n° 10-12.194 Civ. 2, 20 mai 2010, n° 08-21.817 Soc., 15 mars 1973, n° 71-13.262, Bull. n° 166).

Classiquement, le lien de subordination caractérisé « par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné » (Soc., 28 novembre 2018, « Take it easy », n° 17-20.079, au Bull. – Soc., 13 novembre 1996, « Société générale » n° 94-13.187, Bull. n° 386).

Les critères retenus pour identifier un lien de subordination permettent – en creux – de cerner ce qui caractérise l'entre-aide familiale.

En terme d’horaires, pour que l'entre-aide familiale soit retenue, il faut que l’aide apportée soit « ponctuelle », « restreinte » (Soc., 21 janvier 1972, n° 70-13.060, Bull. n° 50 Soc., 28 juin 1973, n° 72-10.961, Bull. n° 434) « sans horaire précis » (Soc., 27 avril 1972, n° 71-10.550, Bull. n° 297) « occasionnelle » (Soc., 19 décembre 1978, n° 77-11.895, Bull. n° 890) – elle est en revanche exclue lorsque les horaires sont « conséquents » (Crim., 21 mars 2000, n° 99-85.105 Soc., 25 février 1976, n° 74-13.790, Bull. n° 119), « réguliers » (Soc., 27 mai 1970, n° 69-10.793) « habituels » (Civ. 2, 7 avril 2011, n° 10-15.909 Soc., 14 janvier 1971, n° 69-13.123, Bull. n° 30) « constants en fonction des heures d’affluence » (Soc., 7 décembre 1989, n° 86-14.055) et sur une longue période de temps (Crim., 3 juillet 1996, n° 95-81.288).

Concernant les tâches, pour que l'entre-aide familiale soit retenue, il faut que les tâches ne soient pas « précises » (Soc., 27 avril 1972, n° 71-10.550, Bull. n° 297) qu’elles ne soient pas « essentielles et nécessaires au fonctionnement » de l'entreprise (Civ. 2, 20 septembre 2018, n° 17-11.322 Civ. 2, 24 mai 2017, n° 15-27.112 Crim., 21 mars 2000, n° 99-85.105) qu’elles ne constituent pas une « participation active à l’exploitation » (Soc., 25 février 1976, n° 74-13.790, Bull. n° 119) ou que l’aidant « exerce une activité profitable » à celui qui est aidé (Soc., 7 décembre 1995, n° 94-10.408) : en somme, il faut que l’activité soit exercée de manière « ponctuelle » (Soc., 12 février 2014, n° 12-27.420) « à titre bénévole et limitée » (Soc., 30 mai 2000, n° 95-13.943, Bull. n° 211 Soc., 4 mai 1966, n° 64-13.269, au Bull. n° 418).

L’absence de rémunération, l’absence de « profit direct et personnel » pour l’aidant sont un indice supplémentaire d’une situation d’entre-aide familiale (Soc., 7 octobre 1976, n° 75-11.761, Bull. n° 479 Soc., 28 juin 1973, n° 72-10.961, Bull. n° 434 Soc., 4 mai 1966, n° 64-13.269, au Bull. n° 418) – alors qu’à l’inverse, le versement d’une rémunération est considéré comme un indice de l’existence d’une relation de subordination (Crim., 3 juillet 1996, n° 95-81.288 Soc., 27 mai 1970, n° 69-10.793).

Le critère cardinal de l'entre-aide familiale demeure que l’aidant garde son entière « liberté » vis-à-vis de la personne aidée :

« tant par motifs propres qu’adoptés, la cour d’appel, qui a souverainement apprécié les éléments de fait et de preuve, a estimé que Mme Y… avait participé aux activités de la société dans le cadre de l’entraide familiale et en toute liberté ; qu’elle a pu en déduire que la preuve d’un lien de subordination n’était pas établie » (Soc., 2 juillet 1997, n° 95-43.629)

En somme, dès lors que sont identifiés un lien d’ascendance ou de descendance entre deux personnes présentes sur un lieu de travail, l'organisme social – pour pouvoir opérer un redressement – doit démontrer que les relations qui unissent ces deux personnes excèdent une situation d'entre-aide familiale et que l’on est en présence d’un véritable lien de subordination.

Pour cela, il doit être mis en évidence :

- que la présence de l’aidant au sein de l'entreprise n’est pas ponctuelle, restreinte, occasionnelle, sans horaire précis,
- que les tâches accomplies sont précises, nécessaires au fonctionnement de l'entreprise et que l’aidant participe activement à l’exploitation,
- et que l’aidant a pu en retirer un profit direct et personnel.