Selon une jurisprudence constante, « la prescription quinquennale ne court pas lorsque la créance, même périodique, dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier et doivent résulter de déclarations que le débiteur est tenu de faire » (Soc. 6 octobre 2015 n° 14-18432 - 19 février 2014 n° 12-27114 - 9 octobre 2013 n° 12-21252 - 25 septembre 2013 n° 11-23705 - 24 avril 2013 n° 11-29003 - 27 juin 2012 n° 10-27044 - 26 janvier 2012 n° 10-13825 - 26 octobre 2011 n° 10-14175 Bull. n° 244 - 1 février 2011 n° 10-30160 Bull. n° 44 - 10 juillet 2001 n° 99-19588 Bull. n° 259).
La portée de cette solution mérite d’être analysée en détail.
Dans l’arrêt publié du 1er février 2011, la Cour de cassation applique cette solution dans le cadre d’un contentieux opposant un Comité d’entreprise à l'employeur concernant la masse salariale brute servant au calcul de la subvention de fonctionnement.
Pour déclarer prescrite l'action du comité d'entreprise, la cour d'appel avait retenu « que selon l'article 2224 du code civil, la prescription court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action, ce qui signifie qu'à la date concernée, il ne peut prétendre avoir ignoré ces faits ; qu'il était loisible au comité d'obtenir de la direction le montant de la masse salariale brute servant au calcul de la subvention de fonctionnement, ainsi que le montant des subventions en nature ou en espèces qui lui étaient allouées ; que le fait qu'une partie de ces subventions lui était attribuée en nature par la mise à disposition de personnel, pour une certaine durée annuelle, ne l'empêchait pas en comptabilisant les heures de mise à disposition de vérifier si cette subvention en nature compensait les subventions qu'il ne recevait pas en espèces, peu important le décalage entre l'année fiscale et l'année civile ; que de même il pouvait calculer le montant de sa créance, le rapport de l'expert ne comportant aucun renseignement qu'une analyse élémentaire, année après année, n'aurait pas permis au comité de connaître ; que ce rapport n'établit pas que les éléments lui permettant de déterminer sa créance étaient "inconnaissables" pour le comité d'entreprise ; que le comité ne saurait non plus utilement invoquer l'absence de communication des documents comptables pour les années 1998 à 1991 et 1995 à 1996, alors qu'il était loisible au comité de demander dans les cinq ans suivant l'exercice concerné , au besoin en référé, la communication de ces documents, sans attendre les résultats de l'analyse comptable demandée en référé ».
L’arrêt a été censuré car, selon la cour régulatrice, « en statuant comme elle a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que le comité d'entreprise n'avait pas eu communication par l'employeur des éléments nécessaires à l'appréciation de ses droits, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés » (Soc. 1 février 2011, nº 10-30160, Bull. nº 44).
La solution a également été rappelée en matière d'intéressement et de participation aux fruits de l'expansion de l'entreprise (not. préc. Soc. 9 octobre 2013 n° 12-21252 - 26 octobre 2011 n° 10-14175 Bull. n° 244) : en somme, ce n'est pas parce qu'un accord d'intéressement existe dans l'entreprise que l'employeur peut se prévaloir de la prescription quinquennale, dès lors que l'employeur n'a pas fourni au comité d'entreprise ou aux salariés les éléments permettant de calculer l'intéressement.
La solution a également été retenue en matière de commissions (préc. Soc. 25 septembre 2013 n° 11-23705) : ici encore, ce n'est pas parce qu'un contrat de travail stipule une rémunération à la commission – que cette clause soit licite ou pas d'ailleurs – que l'employeur peut se prévaloir de la prescription quinquennale quand, par son comportement et le refus de communication d’informations comptables, il a privé le salarié de percevoir les commissions années par années.
Enfin la solution vient récemment d’être rappelée en matière d’accord de modulation (Soc. 6 octobre 2015 n° 14-18432) : l'existence d'un accord de modulation – parce qu’il est illicite et inopposable à la salariée – ne peut pas servir de rempart à l'employeur qui se trouverait ainsi prémuni de devoir, au delà de cinq ans, verser à la salariée les sommes qui lui étaient dus en contrepartie des horaires de travail que son employeur lui a illégalement imposé en application de cet accord de modulation.