mercredi 29 novembre 2017

Droit du travail : Définition de l'avertissement


Question : quelle est la définition juridique ou quels sont les critères retenus par la Cour de cassation pour déterminer si l'on est en présence d'un avertissement (la plus petite sanction qui peut être prononcée à l'encontre d'un salarié) ou si l'on est en présence d'une simple mise en garde, d'un recadrage ?

Voici le tutoriel vidéo de l'article :



Selon l'article L 1331-1 du code du travail, constitue une sanction disciplinaire « toute mesure autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ».

Par un arrêt publié du 13 novembre 2001, la Cour de cassation a jugé que
« viole l'article L. 122-40 ancien / L. 1331-1 nouveau du Code du travail, la cour d'appel qui décide que le licenciement du salarié était fondé sur une cause réelle et sérieuse, alors que la lettre adressée par l'employeur au salarié postérieurement à l'entretien préalable et produite aux débats lui reprochait diverses erreurs et le mettait en demeure de faire un effort pour redresser la situation sous peine de déclassement ou de licenciement, ce dont il résultait que cette lettre sanctionnait un comportement fautif et constituait un avertissement, en sorte que les mêmes faits ne pouvaient plus justifier le licenciement » (Soc. 13 novembre 2001, nº 99-42709, Bull. nº 344).
La solution n’était pas nouvelle : 
« en relevant que, dans sa lettre du 12 septembre 1988, l'employeur reprochait au salarié diverses erreurs et le mettait en demeure d'apporter un maximum de soins à la réalisation des travaux qui lui étaient confiés, la cour d'appel a justement décidé que cette lettre sanctionnait un comportement fautif et constituait un avertissement en sorte que les mêmes faits ne pouvaient plus justifier le licenciement » (Soc. 13 octobre 1993, nº 92-40955 – à rappr. de Soc. 13 novembre 1990, nº 87-42812, Bull. nº 545).
Elle est constamment réaffirmée depuis :
« ayant relevé que par courriel électronique du 4 octobre 2002, l'employeur reprochait à la salariée de ne pas rentrer ses commandes dans l'ordinateur et de ne pas tenir son agenda à jour, et lui enjoignait de procéder à cette opération, à l'instar de ses collègues, tous les vendredis soirs, la cour d'appel a pu décider que ce courrier sanctionnait un comportement fautif et constituait un avertissement ; ensuite, ayant constaté que les seuls faits invoqués dans la lettre de licenciement étaient ceux-là même qui avaient justifié l'avertissement du 4 octobre, elle en a exactement déduit qu'ils ne pouvaient être sanctionnés une seconde fois » (Soc. 8 novembre 2006, nº 05-41514).
« ayant constaté que le courrier du 6 juin 2002 et dans son courriel du 18 juin suivant, l'employeur avait adressé des reproches à la salariée, pour des faits qu'il estimait fautifs, la cour d'appel a pu en déduire que les mises en garde contenues dans ces documents constituaient des sanctions et que les mêmes faits ne pouvaient être une seconde fois sanctionnés » (Soc. 6 mars 2007, nº 05-43698 RJS 7/07 n° 842).
« après avoir relevé que, dans son message électronique du 26 juillet 2004, l'employeur adressait divers reproches à la salariée et l'invitait de façon impérative à un changement radical, avec mise au point ultérieure au mois d'août, la cour d'appel a justement décidé que cette lettre sanctionnait un comportement fautif et constituait un avertissement, en sorte que les mêmes faits ne pouvaient plus justifier le licenciement » (Soc. 26 mai 2010, nº 08-42893).
Encore récemment, la cour régulatrice rejette un moyen qui faisait notamment valoir dans sa première branche
« 1°/ que ne constitue pas une sanction disciplinaire la lettre par laquelle l'employeur se borne à informer le salarié de sa déception eu égard à son comportement, sans impliquer de volonté réelle de lui notifier une sanction ; qu'en l'espèce où dans sa lettre adressée le 4 novembre 2010 à M. X... l'employeur, exposant « qu'après contrôle de la copie des frais que [son] comptable lui [avait] remise », il s'avérait que « 90 % » des « exagérations » étaient les siennes, se bornait à l'informer que « la confiance [qu'il] avait placée en [lui] était largement entamée », ce qui n'impliquait, de la part de l'employeur, aucune volonté établie de lui notifier une sanction, la cour d'appel, en énonçant, pour considérer que les faits invoqués au soutien du licenciement pour faute grave de M. X... avaient déjà été sanctionnés et juger en conséquence son licenciement illégitime, que ce courrier adressé personnellement à M. X... le 4 novembre 2010 devait s'analyser en un avertissement, a violé l'article L. 1331-2 du code du travail ; »

Le rejet intervient car :
« Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur, après avoir modifié, de façon générale, le mode d'indemnisation des frais de bouche de l'ensemble d'une catégorie de salariés au vu de comportements abusifs de certains d'entre eux, a adressé, notamment au salarié, une lettre lui indiquant que son attitude avait largement entamé la confiance qu'il lui portait ; qu'elle en a exactement déduit que cette lettre constituait une sanction disciplinaire, dès lors qu'il résultait de cette dernière indication qu'elle était de nature à affecter la carrière du salarié ; que le moyen n'est pas fondé » (Soc. 3 février 2017, nº 15-11433)

Néanmoins, par d’autres arrêts, certes non publiés, la Cour de cassation admet l’existence de « mises en demeure » de « mises en garde » ou de « recadrages » qui ne constituent pas pour autant des sanctions (not. Soc. 13 janvier 2016, nº 14-12259 - Soc. 24 septembre 2015, nº 14-15656 - Soc. 29 janvier 2013, nº 11-23774 - Soc. 29 mars 2012, nº 11-11928 - Soc. 29 février 2012, nº 11-10605 - Soc. 11 janvier 2012, nº 10-14153 - Soc. 26 octobre 2011, nº 09-43181 - Soc. 27 septembre 2011, nº 10-18747 - Soc. 27 septembre 2011, nº 10-20915 - Soc. 21 septembre 2011, nº 10-24470 - Soc. 5 juillet 2011, nº 10-19561).

En conclusion, c'est par une appréciation au cas par cas, en fonction de la teneur de la lettre écrite par l'employeur que les juges déterminent si l'on est en présence d'un avertissement ou au contraire s'il ne s'agit que d'une mise en demeure.